Un pour tous, tous contre un

Il aura suffi d’une élection régionale réussie, qui a souri aux ténors et à la presque unique colorature de la droite, pour que refassent surface les rivalités de personne en vue de la prochaine présidentielle. La victoire possible, sinon probable, comme c’était le cas en 2017, a aiguisé les appétits. Aucun des candidats putatifs n’a envie de passer son tour, l’histoire récente ayant démontré que les scénarios les plus improbables pouvaient se matérialiser, et que les pronostics ne servaient qu’à être démentis par les faits.

Après la résistible ascension en quelques mois d’un inconnu, célèbre principalement dans les milieux d’affaires, chacun et chacune se dit : « pourquoi pas moi ? ». Et en effet, pourquoi celui-ci et pas celui-là ? La question de « l’incarnation », comme on aime à le dire désormais, se pose plus que jamais dans la mesure où les candidats potentiels défendent tous un programme libéral et sécuritaire. Les cadres du parti héritier du gaullisme se sont accrochés à l’idée qu’un homme ou une femme providentielle s’imposerait « naturellement » et rallierait les suffrages du plus grand nombre pour se présenter sans coup férir. Ils espéraient ainsi éviter le traumatisme d’une primaire, similaire à celle qui a vu la désignation de François Fillon, plus proche du noyau dur doctrinaire du parti, au détriment d’Alain Juppé, qui se construisait laborieusement une image populaire, à grand renfort de ping-pong bière et de bains de foule forcés.

Xavier Bertrand, qui est parti le premier dans la course à l’Élysée, se verrait bien dans le rôle du candidat plébiscité par le peuple par le truchement des sondages, tant qu’ils lui sont favorables. Sa courte avance sur ses rivaux lui semble suffisante pour prétendre plier le match, et il a annoncé depuis longtemps qu’il ne se soumettrait en aucun cas à l’épreuve d’une primaire. Il a déjà réussi à unir ses rivaux dans la défense et l’illustration de cette procédure, au point de la rendre presque incontournable. Peut-il se payer le luxe de la snober et de se maintenir contre vents et marées au risque de faire perdre sa famille politique à coup sûr ? Cela semble peu probable. On le voit pourtant mal s’effacer au profit d’un personnage aussi falot que Bruno Retailleau, qui serait un recours possible pour des militants qui ne voudraient pas choisir entre les personnalités plus connues, tous présidents de région, que sont Valérie Pécresse, Xavier Bertrand ou Laurent Wauquiez. Après 2017 et des élections réputées « imperdables » pour la droite, la névrose d’échec peut-elle amener cette famille politique à se tirer une nouvelle balle dans le pied et amener le président sortant dans un fauteuil pour disputer le sprint final contre son adversaire préférée, Marine Le Pen ? Réponse à la rentrée, probablement.