La gifle, la claque et le soufflet

La presse a choisi son camp, sans ambiguïté. C’est une gifle que le président de la République a reçue au cours de son déplacement à Tain-l’Hermitage, alors qu’il voulait saluer ses partisans, parmi lesquels s’étaient glissés quelques adversaires, malgré un service d’ordre imposant. L’un d’entre eux a réussi à donner une gifle à Emmanuel Macron avant que celui-ci soit exfiltré par ses gardes du corps, tandis qu’un comparse filmait la scène, dans le but évident de la diffuser sur les réseaux sociaux.

La gifle se différencie du coup de poing par le fait que la main soit ouverte et que ce soit surtout la paume qui touche le visage. Au cinéma, la gifle est normalement simulée grâce à une technique destinée à créer l’illusion. Il parait toutefois que dans le film de Claude Pinoteau, « la gifle », Lino Ventura a raté son geste et donné par erreur une vraie gifle à Isabelle Adjani, qui l’a sentie passer, étant donnés leurs gabarits respectifs. Dans la scène d’hier, il semble que la blessure soit surtout d’amour-propre. Le président a tenu à minimiser le geste effectif pour se concentrer sur le symbole, en effet dévastateur. Il pourra toutefois se réconforter de cette manifestation populaire de désamour en constatant le soutien unanime de la classe politique, jusqu’à Marine Le Pen, dans une figure imposée.

Cette gifle se rapproche du soufflet, ce geste pratiqué dans l’ancien régime, généralement dans le but de provoquer un adversaire en duel, en l’insultant. On pouvait souffleter quelqu’un avec sa main, ou même à l’aide d’un gant projeté en direction de son ennemi, sans qu’il soit nécessaire de le toucher. L’homme de la Drôme a d’ailleurs accompagné son geste d’une apostrophe digne des « Visiteurs », ces revenants de pacotille du Moyen-âge, « Montjoie Saint Denis, à bas la Macronie ». Si le président Macron décidait de vider lui-même cette querelle, en tant qu’offensé, il aurait le choix des armes. Le dernier homme politique à avoir pratiqué le duel, c’est Gaston Deferre qui avait traité d’abruti un de ses collègues députés et l’avait ensuite touché au bras à deux reprises.

Le terme de claque est le plus souvent associé à la sphère familiale. Il se rapproche ainsi de la fessée, et va assez généralement par paires. Il est l’expression de l’autorité du chef de famille, mais a mauvaise réputation. C’est dans cet esprit que François Bayrou, candidat à l’élection présidentielle de 2002, avait donné une claque à un enfant de 11 ans qu’il soupçonnait de vouloir le voler, en s’écriant, le doigt vengeur levé : « eh ! tu me fais pas les poches, toi ! » Une attitude appréciée de beaucoup de Français, qui ne suffira cependant pas à le faire élire. À méditer.