Haro sur Mélenchon

Après les propos de Jean-Luc Mélenchon au détour d’une interview, toute la gent médiatique s’est précipitée pour dénoncer des déclarations complotistes, avec une avidité suspecte. J’avoue que je me suis accordé un délai de réflexion qui a visiblement manqué au leader de la France Insoumise quand il a évoqué la probabilité d’un évènement tragique peu avant la prochaine élection présidentielle. Énoncée de cette façon, j’aurais pu accepter sa déclaration, car je ne pense pas qu’un homme politique de son envergure soit si aveuglé qu’il s’imagine sincèrement être la victime d’un complot international ni qu’à la manière d’un Nicolas Dupont-Aignan, il prétende sciemment « déranger » trop de monde.

Même si Jean-Luc Mélenchon diverge avec une partie de la gauche dans ses analyses, il reste un acteur important de la vie politique française, et il est exact qu’il soit fréquemment attaqué à raison de ses convictions et de ses prises de position sur la justice sociale. Là où il sème le trouble, c’est en affirmant que « l’histoire est écrite d’avance » pour sous-entendre que les « graves incidents » qu’il prédit seraient organisés et planifiés par ses adversaires, ce qui est loin d’être démontré. Que des évènements fortuits soient récupérés et exploités par des formations politiques qui font de la sécurité leur fonds de commerce, et de la violence leur principal argument pour promouvoir leurs idées, ne fait guère de doute. Je suis également d’accord avec le fait que trop de politiques cherchent à confisquer le débat présidentiel, et même régional ou départemental sur le thème exclusif de la délinquance. Le terrain de jeu traditionnel de l’extrême-droite, depuis longtemps disputé par la droite dite républicaine, autrefois délaissé par la gauche, fait désormais l’objet de toutes les convoitises, au détriment de toutes les autres questions.

Au point que l’opposition dans son ensemble et la majorité actuelle se livrent à une course à l’échalote en pratiquant la surenchère démagogique à chaque élection. Plus sécuritaire que moi, tu meurs, semble être le crédo incontournable. Au point que la seule et unique loi traitant d’une question de société sur l’ouverture à toutes les femmes de la PMA, portée par la République en marche qui disposait pourtant d’une majorité confortable, a dû attendre les tout derniers mois du quinquennat pour être finalement adoptée, du moins l’espère-t-on. Parmi les nombreux sujets escamotés au profit d’une polémique stérile sur les propos de Jean-Luc Mélenchon, il y a tout ce qui concerne la lutte contre les inégalités. Les écarts de salaire. L’accès à un logement digne pour tous. La fin de la précarité dans tous les domaines. Une politique énergétique digne de ce nom. La lutte active contre le réchauffement climatique. La situation des services publics : santé, éducation, et même police et justice que l’on oppose au lieu de les renforcer de manière constructive. La liste serait trop longue, et Mélenchon peut s’en vouloir d’avoir tendu le bâton pour se faire étriller.