Le grand méchant flou des retraites

On la croyait morte et enterrée, cette fameuse réforme systémique des retraites qui avait réussi en mars 2020 à faire presque l’unanimité contre elle. Dans l’opinion tout d’abord, avec 2 Français sur trois hostiles à ce système de répartition par points, tellement complexe qu’il semblait surtout destiné à masquer la réalité des pertes que subiraient certains retraités. Dans la rue ensuite, avec des manifestations organisées par les syndicats, à l’exception de la CFDT. Et jusqu’à l’Assemblée nationale, avec un vote arraché aux forceps à l’aide de l’article 49.3 et malgré la défection de certains députés de la majorité.

Le débat s’annonçait rude au Sénat quand la pandémie du Covid-19 est venue mettre tout le monde d’accord et repousser aux calendes la suite de l’examen du texte de loi. Et voilà-t’y pas que le président, à qui l’on ne demandait rien, s’est mis en tête de remettre le sujet sur le tapis. Pour nous dire quoi ? Que cette réforme ne pouvait pas être reprise « en l’état ». Mieux, ou pire encore, il reconnait à demi-mot que cette usine à gaz était trop « ambitieuse », comprenez, ni faite ni à faire. Une prise de conscience bien tardive, mais passons. Pourquoi en reparler si ce n’est pour faire rentrer par la fenêtre le véritable objectif mis à la porte il y a plus d’un an : baisser le niveau des retraites et augmenter les cotisations par l’allongement du temps de travail.

Ce faisant, il met dans l’embarras les députés de la République en marche, bien incapables de se prononcer sur l’utilité de la remise en chantier de cette réforme, tant que le chef suprême n’aura pas pris sa décision. Va-t-il prendre « son risque » comme il aime à le dire en s’engageant sur un chemin escarpé et dangereux à quelques mois de l’échéance présidentielle ? Ou bien, comme c’est plus probable, réserver cette question à un second mandat éventuel, auquel il sera évidemment candidat, malgré ses coquetteries de douairière. Il va s’engager dans la phase finale du quinquennat, celle où il sait qu’il ne peut ni ne doit plus rien faire, tout en donnant l’illusion qu’il avance, en pratiquant une sorte de « moon walk » à la façon de Michael Jackson. Le procédé avait plutôt réussi à Jacques Chirac en 2002, lui que l’on donnait perdant face à Jospin, comme d’ailleurs en 1995, devant Balladur, et dont les Guignols lui faisaient dire : « si je bouge une oreille, je suis mort ». Cette fois-ci, si le président était réélu, les Français ne pourront pas dire qu’ils n’étaient pas prévenus.

Commentaires  

#1 jacotte 86 05-06-2021 13:09
un electeur prévenu en vaudra-t-il 2?
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