À armes égales

C’était le titre d’une émission politique à la télévision dans les années 70, supposée permettre un débat équilibré entre des personnalités de la majorité et de l’opposition, mises sur un pied d’égalité. Un dessin humoristique de l’époque montrait les deux débatteurs au maquillage, l’un disposant des moyens les plus sophistiqués pour paraître à son avantage, tandis que l’autre était grimé en clown ridicule. Emmanuel Macron adore se confronter aux Français moyens et discuter avec eux, d’égal à égal. Il y trouve tant de plaisir qu’il en oublie que le spectacle de sa trop facile victoire est plutôt contre-productif.

À Martel, où il se trouvait en déplacement d'autopromotion, il s’est trouvé un électeur, qui avait pourtant voté pour lui, à émettre une réserve sur la politique menée par le chef de l’état au sujet de la CSG sur les retraites. L’homme en a pris pour son grade, se faisant traiter de « tordu » et accuser d’être « gonflé ». Si quelqu’un est gonflé et tordu, c’est bien le Président, qui doit se contorsionner pour expliquer qu’il a raison à la fois quand il augmente les cotisations et quand il doit ensuite les baisser pour corriger les inégalités induites par sa première mesure. Emmanuel Macron use et abuse de deux avantages. Le premier, c’est évidemment celui de sa position. Il a recueilli au premier tour des élections présidentielles environ un quart des votes en sa faveur, soit 18 % des inscrits, mais il dispose à présent de tout l’appareil d’état.

Le deuxième est la capacité à formuler un raisonnement et savoir l’utiliser à son avantage. Ce que l’on appelle couramment l’intelligence, et qui depuis peu est mis en valeur par une série télévisée, HPI, pour haut potentiel intellectuel. Du peu que j’en ai vu au travers d’extraits de présentation, j’ai compris que l’héroïne de la série gonfle tout le monde avec ses capacités intellectuelles hors du commun qui lui permettent de tout comprendre avant les autres et d’écraser les infortunés moins bien dotés par la nature sous ses diagnostics définitifs. Ceux que l’on appelait autrefois des « surdoués », et maintenant des « HPI » ont pour point commun d’obtenir des résultats statistiquement meilleurs que la moyenne à des tests construits dans ce but. Ces aptitudes ne garantissent pas pour autant un épanouissement personnel. La propension un peu puérile du chef de l’état à faire étalage de sa capacité de persuasion, qu’il semble utiliser comme un jeu, en est l’illustration. C’est comme si Rafael Nadal me lançait le défi de lui marquer un point sur un terrain de tennis alors qu’il aurait une main dans le dos et les jambes entravées. Il serait sûr de gagner, lui aussi, mais je doute que cela l’amuserait autant qu’Emmanuel Macron.