Le régional de l’étape

Trop de métaphore tue la métaphore. Mais comment y échapper quand c’est l’Élysée lui-même qui annonce que le Président de la République a entamé un « tour de France » pour aller à la rencontre des Français dans les « territoires » ? La démagogie, c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas. Vous aurez remarqué comme moi qu’Emmanuel Macron est parti en campagne électorale présidentielle près d’un an à l’avance, en enjambant carrément les régionales et les départementales, où il sait qu’il ne peut pas espérer grand-chose, pas plus que son ersatz de parti, la république en marche, dont l’ancrage local ne s’est jamais réalisé.

Sa première étape dans le Lot, sorte de prologue contre la montre, a été soigneusement choisie pour le vote massif en sa faveur, 78 % aux dernières présidentielles. Il ne manquera pas de visiter également son fief d’Amiens ou celui du Touquet, où il ne risque pas de se faire contester par les opposants ou les déçus de l’illusionnisme. Mais, partout, les contestataires éventuels seront tenus à bonne distance et ne verront passer le peloton présidentiel que de loin. Car, comme dans le Tour, le vrai, ce ne sont pas les « forçats de la route » comme les appelaient les journalistes sportifs en mal de sensationnel, qui seront l’attraction, mais bien la caravane électorale, qui distribuera cadeaux, jouets et colifichets tout au long du parcours pour s’attirer les bonnes grâces d’un public bon enfant, prêt à prendre pour argent comptant les promesses et les babioles lancées dans la foule.

Officiellement, le Président a repris son « bâton de pèlerin » et se prépare à « prendre le pouls » des Français. J’espère que son fameux bâton de marche suivra les recommandations du Maire de Crozon et sera muni d’un embout de caoutchouc, pour éviter de faire des dégâts avec une pointe ferrée. J’escompte aussi qu’il ne confondra pas prendre le pouls et prendre la température, car la dernière fois que l’on m’a fait le coup, c’était en 1968, quand les syndicats ont lâché le mouvement sous prétexte de consultation de « la base », pour mieux l’abandonner et la contraindre à la reprise du travail. Sur le coup, je me souviens avoir dit que je n’avais rien senti, mais c’était sans doute par bravade. Depuis, je suis allergique à toute forme de manipulation au nom de mon intérêt supposé. Quant au Tour de France électoral, il faut bien observer que certains sont plus égaux que d’autres et qu’ils vont tenter de profiter de leur position de pouvoir pour en faire une sorte de dopage légal, en commençant par le chef de l’état et son équipe de 15 ministres qui roulent pour lui et lui fournissent ravitaillement et bidons de boisson énergisante. Si ça ne gagne pas, ça amusera déjà la galerie.