Vigilance

Nous sommes abreuvés d’alertes météorologiques pour mettre en garde la population sur les effets potentiellement dévastateurs de phénomènes naturels, et c’est tant mieux. Dernièrement, ce sont les crues et leur conséquence d’inondations catastrophiques dans certains départements qui ont fait la une des journaux, et c’est précisément l’absence d’alerte qui est parfois pointée du doigt par les victimes de ces cataclysmes. Pourtant dans d’autres domaines, ce sont les lanceurs d’alerte eux-mêmes qui sont mis au ban de la société, comme le démontre l’histoire de Didier Lemaire, professeur de philosophie à Trappes, qui fait l’objet de menaces de mort.

Didier Lemaire a réagi à l’assassinat de Samuel Paty, son collègue professeur d’histoire, victime de la haine islamiste, en publiant une lettre ouverte dans l’Obs pour demander instamment à l’état de faire son travail. Une demande qu’il avait déjà formulée en 2018 en s’adressant directement au président de la République, dans une tribune cosignée par un inspecteur de l’éducation nationale. Autant de publications probablement jamais lues par les idéologues qui ont, semble-t-il, lancé une sorte de fatwa à l’encontre du professeur, en lui reprochant ses prises de position présentées comme racistes et antireligieuses. Au point de devoir répondre à ses élèves qui se demandaient pourquoi il avait écrit une lettre « contre eux », alors qu’il voudrait les protéger d’une propagande haineuse qui se cache derrière la liberté religieuse. Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est un documentaire néerlandais, où il est apparu dans une interview télévisée. Depuis, il est sous surveillance policière pour se rendre à son travail, et il doit envisager un changement de poste après 20 ans passés dans le même lycée. Il est toujours l’objet de menaces de mort, mais on l’a vu récemment sur les plateaux de télévision lancer ses appels à la vigilance.

Car, contrairement aux phénomènes climatiques, les évènements liés à la montée de l’intolérance, au fanatisme religieux, à la haine des « lumières », ne doivent rien au hasard et sont parfaitement prévisibles. Bien sûr, personne ne pouvait prédire l’assassinat du père Hamel à Saint-Étienne-du-Rouvray ni la tuerie de Charlie Hebdo ou de l’hyper casher, mais on pouvait être certain que des évènements de ce type surviendraient, tôt ou tard, à un endroit ou à un autre. Les lanceurs d’alerte sont suffisamment nombreux, et les appels à la vigilance ne manquent pas. Ce qui fait défaut, c’est une volonté politique, et une sorte de tabou de la part d’une fraction des forces progressistes qui répugnent à dénoncer le radicalisme islamiste par crainte de se couper d’une base musulmane et d’être taxée d’intolérance religieuse. Elle fait le jeu du gouvernement qui se contente de déclarations d’intention en proposant des textes de loi totalement incapables de résoudre un problème qui n’a que trop duré.