Dallas

Plus que jamais, Dallas mérite l’appellation d’univers impitoyable après la fusillade où 5 policiers ont été tués jeudi dernier. Le président Obama a qualifié cet acte de cruel, calculé et méprisable, et a déclaré qu’il ne pouvait trouver aucune justification. Certes. Mais il est révélateur d’une profonde fracture dans la société américaine et signe un échec de la politique multiraciale qui a pourtant conduit un noir à la Maison-Blanche. L’apartheid n’existe plus sur le papier. De longs combats comme celui de Martin Luther King ont abouti à la reconnaissance de droits civiques équivalents pour les communautés blanches et noires, mais elles continuent à avoir des développements séparés, et on en voit aujourd’hui les conséquences.

Pour tenter de comprendre ce qui s’est passé, il faut rappeler que la société américaine est infiniment plus violente que la nôtre. Les policiers américains utilisent des méthodes d’interception ou d’arrestation des suspects beaucoup plus musclées que chez nous et ils ont la gâchette facile. Ceci s’explique en partie par le volume impressionnant d’armes en libre circulation dans le pays, ce qui amène les policiers à craindre pour leur vie et les incite à ne prendre aucun risque. La suspicion d’être en présence d’un délinquant armé suffit généralement à justifier l’usage d’une arme à feu à titre préventif. Plus de 1000 Américains meurent chaque année sous les balles de leur police, et parmi eux, la proportion d’Afro-Américains est beaucoup plus importante que dans le reste de la population. C’est précisément au cours d’une marche pacifique de protestation contre les violences policières récentes que le tireur s’en est pris aux policiers blancs qui passaient dans sa ligne de mire. Avec la multiplication des téléphones portables, désormais, les bavures policières sont filmées systématiquement par des amateurs et immédiatement mises en ligne sur les réseaux sociaux. Leur circulation est impossible à empêcher malgré les efforts des autorités pour les faire disparaitre.

Le phénomène a abouti à la création de mouvements pour réclamer le droit à une véritable égalité entre les citoyens, quelle que soit leur origine ou leur couleur de peau. Certains sont non-violents, d’autres beaucoup plus vindicatifs. C’est à ces derniers que le tireur semble se référer, ce qui est inquiétant, d’autant plus si on tient compte de sa qualité de réserviste de l’armée et de son expérience des armes et du combat. À côté de la menace terroriste que nous connaissons également, les États-Unis pourraient devoir faire face à de nouvelles émeutes raciales dont leur histoire est émaillée. Et dans ce cas, Dieu protège l’Amérique de la menace Donald Trump.