Vous avez dit remaniement ?

Ou serait-ce reniement ? C’est curieux comme à une syllabe près, ces deux expressions se ressemblent. Si bien qu’alors que des rumeurs insistantes font état d’un projet de remaniement ministériel qui pourrait être annoncé dans les heures, voire les jours qui viennent, je me demande qui Emmanuel Macron pourrait encore débaucher dans l’espoir de retrouver, enfin, une majorité dévouée à sa cause et prête à voter comme un seul homme, comme au début de son premier quinquennat, toutes les lois les plus antisociales qu’il semble avoir encore en réserve dans une besace déjà très prolifique.

Les candidats à des postes ministériels ne manquent pourtant pas. À ceux qui pensent qu’il n’y a que des coups à prendre dans l’exercice de ces fonctions souvent plus honorifiques que véritablement opérationnelles, je renvoie à cette interview récente d’Olivier Dussopt, encore ministre du Travail pour l’instant et qui a traversé difficilement la crise ouverte par une réforme des retraites dont on n’a toujours pas compris la pertinence. Olivier Dussopt a encaissé courageusement les critiques destinées au véritable instigateur de la réforme, le président Macron en personne, et il n’est pas rancunier. Il déclare en effet qu’il se sent redevable à Emmanuel Macron pour lui avoir confié une telle responsabilité. Faut-il rappeler que le ministre est un transfuge du Parti socialiste et qu’il devrait être gêné aux entournures par la politique suivie par son nouveau patron ? Tel l’Arlequin de Goldoni, il s’est lancé le défi de servir deux maîtres aux intérêts divergents : le progrès social associé à son engagement précédent, et les forces de l’argent symbolisées par son nouveau mentor. Apparemment, la situation ne semble pas lui causer le moindre trouble de conscience.

Paradoxalement, ce sont les critiques concernant le projet sur les retraites qui l’ont le plus touché, alors qu’il me parait clair depuis le début qu’il est conscient que ce projet n’est pas le sien, qu’il ne résoudra rien et qu’il faudra recommencer à plus ou moins brève échéance. En revanche, il prétend que les critiques qui lui ont reproché sa trahison des idéaux de gauche, si tant est qu’il en ait eu réellement, ne lui ont fait aucun effet. J’avoue ne pas comprendre cette attitude. Comment peut-on se déjuger à ce point, renier des engagements passés en prenant l’exact contrepied ? Et surtout, si l’on ne possède pas le moindre amour-propre, que l’on est cynique au point de pouvoir épouser des points de vue contradictoires à si peu d’années d’intervalle, comment peut-on faire si peu de cas de l’opinion des électeurs dont on sollicite l’approbation ? En un mot, comment peut-on se regarder dans la glace et trouver qu’on peut faire bonne figure en défendant tout et son contraire ? Ces gens-là font beaucoup de tort à la démocratie en minant de l’intérieur le travail de militants qui ont le plus grand mal à faire avancer leur cause.