Combien de divisions ?

Le pape François, dont la santé inquiète les catholiques au point de leur faire craindre une abdication du souverain pontife pour cause d’incapacité physique, malgré une brève hospitalisation, a pu prononcer sa traditionnelle bénédiction s’adressant à la ville et au monde (urbi et orbi) depuis le balcon de la place Saint-Pierre à Rome. Traditionnellement, le message papal est un plaidoyer en faveur de la paix dans le monde, et celui de 2023 n’a pas dérogé à cette règle tacite. Un message qui s’apparente beaucoup à un vœu pieux, ce qui a fait dire à Joseph Staline en son temps : « le pape, combien de divisions ? »

Cette allusion à la modestie des effectifs des soldats du Vatican selon le dictateur à la tête du puissant empire soviétique à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale, peut s’entendre également dans un deuxième sens du mot division. Si le pape est au sommet de la hiérarchie de l’Église catholique, il n’est pas reconnu par l’ensemble de la chrétienté. Sur les 2,2 milliards de chrétiens, il n’y a que 1,36 milliard de catholiques et en particulier, les croyants russes et ukrainiens sont placés sous l’autorité du patriarche de Moscou, entièrement dévoué au pouvoir de Wladimir Poutine. L’Europe n’a pas été épargnée non plus par les guerres de religion et l’on célèbre les 25 ans de la fin officielle du conflit entre catholiques et protestants en Irlande du Nord. Le pape François a semblé renvoyer dos à dos les belligérants ukrainiens et russes en s’adressant aux « peuples » et non aux dirigeants, tout en glissant une allusion à « la recherche de vérité » que doit mener la Russie. Guère de quoi impressionner le dictateur expansionniste que rien ne semble pouvoir arrêter sinon une lourde défaite militaire.

Le pape a également pointé la situation critique entre Palestiniens et Israéliens, qui n’ont jamais paru aussi éloignés d’un accord que depuis l’arrivée au pouvoir d’une coalition incluant la droite religieuse la plus radicale. L’influence du chef de la chrétienté sur la classe politique israélienne étant proche de zéro, ses appels au dialogue entre les parties risquent fort de rester lettre morte. Le temps n’est plus, et ce n’est pas moi qui le regretterai, où la religion pouvait influencer les décisions des chefs d’État. La crainte d’un Dieu tout puissant et d’un châtiment « post mortem » pouvait inciter certains souverains à tenter de donner une image positive et morale de l’exercice de leur pouvoir. De nos jours, il n’existe plus, à ma connaissance, de roi ou de président craignant de rôtir dans les flammes de l’enfer s’il ne se présente pas dans les meilleures dispositions lors d’un jugement dernier hypothétique. Même le simple charbonnier, dont la foi servait autrefois de parangon de piété, se demande désormais comment un dieu supposé omnipotent peut tolérer de telles injustices et de pareils massacres des Innocents.