Rame, rame, rameurs, ramez

Cela fait déjà longtemps que les partisans d’Emmanuel Macron sont habitués à devoir sortir les avirons pour essayer de défendre les positions du président de la République qui les met continuellement en porte-à-faux par des sorties au minimum maladroites pour justifier des propos élitistes ou méprisants, tels que son « qu’ils viennent me chercher ! » provocateur au moment de l’affaire Benalla. Du moins pensaient-ils pouvoir souffler quand le chef de l’état se trouve à l’étranger, et qu’il est supposé ne pas intervenir sur les affaires intérieures, une règle qu’il avait édictée lui-même, et dont il s’affranchit de plus en plus, avec désinvolture.

C’est un manque total de respect vis-à-vis de ses interlocuteurs étrangers qui ne devraient pas être mêlés malgré eux aux querelles du président français, en l’occurrence sa polémique avec un responsable syndical, et une marque de mépris pour les Français auxquels il s’adresse ainsi indirectement. Or, voici qu’après avoir épuisé la patience du peuple qui l’a élu, bien qu’à contrecœur pour beaucoup, il se met à dos la communauté internationale par des déclarations irresponsables sur le statut de Taïwan et ce que devraient être selon lui les relations de l’Europe avec les superpuissances planétaires que sont les États-Unis et la Chine. De la même façon qu’Emmanuel Macron a réussi l’exploit de rassembler contre lui la totalité des organisations syndicales sans s’attirer pour autant les sympathies du patronat ni même la totalité de la droite traditionnelle, il a braqué contre lui la totalité des analystes experts en géopolitique. En voulant s’opposer à un supposé « suivisme » européen, il donne l’impression désastreuse de justifier implicitement la position chinoise, celle-là même qu’il prétend dénoncer. Le timing de ses déclarations, précédant immédiatement les manœuvres de la Chine autour de l’ile séparatiste, ne pouvait pas être pire, et leur portée réelle est totalement insignifiante.

Après les Français, ce sont les Européens qui découvrent un dirigeant parlant en leur nom sans leur demander leur avis. Il fallait entendre le malheureux Stéphane Séjourné, au nom du groupe européen de députés proches d’Emmanuel Macron, tenter de justifier cette pitoyable initiative en reprenant le bréviaire présidentiel inspiré des « éléments de langage » préparés à prix d’or par une quelconque officine de communication. Même lui doit probablement avoir beaucoup de mal à croire à son propre discours selon lequel Macron se rêve en faiseur de paix sans en avoir le début de commencement des moyens. N’est pas le général de Gaulle qui veut, ni même Tito, qui entraînait derrière lui les pays dits « non-alignés ». Au fond de lui-même, Stéphane Séjourné doit entendre la petite musique du reste de la chanson de Souchon : « on n’avance à rien dans ce canoé… pas gai, la pagaille… tais-toi et rame ! »