Entre le pouce et l’index
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 24 janvier 2023 10:58
- Écrit par Claude Séné
Lorsque j’étais enfant, on m’a inculqué, entre autres choses, qu’il était malpoli de désigner quelqu’un à l’aide de son index, qui est pourtant le doigt dédié à cet usage, comme en témoigne le terme dérivé que nous avons conservé sous la forme « indicateur », notamment pour les horaires de trains. Il faut peut-être y voir une survivance de l’expression « mettre à l’index », par laquelle l’Église catholique désignait la liste des ouvrages traitant de thèmes interdits, tels que les hérésies, l’obscénité ou la sorcellerie. D’ailleurs, depuis cette époque, les livres en question sont souvent rassemblés dans une section de la bibliothèque couramment appelée, l’enfer.
Par extension, les personnes pouvaient, elles aussi, être mises à l’index. C’est ainsi que ma mère aurait été désignée à la vindicte populaire par un curaillon du fin fond de la Bretagne profonde, au prétexte que son mari, mon père donc, aurait été un suppôt de Satan, comme le démontrait son manque d’assiduité à l’office religieux. Un affront qui a déclenché chez moi un rejet viscéral du bas clergé, breton ou pas, et m’incite toujours à vouloir bouffer du curé, matin, midi, et soir. Je comprends donc parfaitement l’indignation du patron du MEDEF, Geoffroy Roux de Bézieux, à l’idée les entreprises puissent être montrée du doigt parce qu’elles n’emploieraient pas suffisamment de séniors. Waouh ! la honte ! de quoi ne plus oser se montrer en public au Rotary ou au Lions club, ou pire se couper l’appétit pour la journée.
C’est grâce à des détails comme celui-là que l’on peut apprécier à sa juste valeur la fibre sociale du gouvernement, qui, dans sa grande générosité, envisage donc « d’enrichir » la réforme des retraites en créant un index du taux d’emploi des séniors, dont les résultats seraient publiés obligatoirement, sous peine d’amende, mais qui ne feraient encourir pour autant aucune sanction d’aucune sorte, il ne faut quand même pas exagérer. Les patrons peuvent toutefois se rassurer. Cet index serait créé sur le modèle de celui qui observe les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes, en vigueur depuis 2018 pour un résultat microscopique. Plutôt qu’une mise à l’index, les salariés apprécieraient ne serait-ce qu’un « coup de pouce » aux rémunérations les plus faibles. Faut-il rappeler qu’entre le pouce et l’index, on a l’habitude de voir un geste qui dessine un zéro, soit à peu de chose près la considération pour les gens qui manifestent et tentent d’obtenir quelques concessions dans le partage de la richesse qu’ils ont contribué massivement à créer ? À force de mécontentements, que ce soit contre les projets de réformes scélérates, ou la hausse vertigineuse du coût de la vie, les électeurs pourraient finir par changer de doigt et brandir un majeur vengeur pour signifier leur ras-le-bol.
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