La France des ronds-points
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 10 décembre 2022 10:45
- Écrit par Claude Séné
On en a beaucoup parlé au moment de la crise des gilets jaunes. Leur position stratégique en faisait le lieu de rassemblement idéal pour les contestataires de tout poil, avec un accès routier évident et un espace suffisamment vaste pour accueillir les protestataires et leurs banderoles visibles de loin. J’avais remarqué, évidemment, la profusion de ces « carrefours giratoires » et les efforts souvent désespérés de masquer leur laideur sous des accoutrements à thème généralement d’un ridicule achevé. Ce que j’ignorais, c’est que la France était probablement la championne européenne, sinon mondiale de ce système avec ses 65 000 spécimens sur le sol national, et de surcroît que le département de la Loire-Atlantique était le mieux doté avec 3075 ronds-points, loin devant tous les autres.
Il existe à cet état de fait une raison historique. Le principe des giratoires, inventé en France au début du 20e siècle a d’abord été développé au Royaume-Uni, et c’est un certain Jean-Marc Ayrault, alors maire de Saint-Herblain, puis de Nantes, bien avant de devenir Premier ministre, qui va contribuer à le réimplanter en France. Sa ville de Nantes va rapidement devenir la plus équipée, avec une inflation paraissant parfois excessive. On va inventer les doubles ronds-points, difficiles à négocier et laissant perplexes les campagnards fourvoyés en ville. Il y a aussi en périphérie nantaise des avenues où les giratoires se succèdent tous les 100 mètres environ, par chapelets. Puis sont venues la décentralisation et la délégation de pouvoirs aux collectivités locales. C’est ainsi que chaque maire a voulu, et obtenu au minimum son rond-point, dont l’utilité a parfois été difficile à justifier auprès des contribuables. Sans me vanter, j’habite tout près d’un village qui a réussi à caser un giratoire dans un croisement très étroit, tel qu’il est presque impossible de suivre son tracé et que la plupart des automobilistes, moi compris, « coupent le fromage » pour l’emprunter.
Il faut reconnaître à ces fameux giratoires une qualité qui tient à la modification du régime de priorité qui privilégie les véhicules déjà engagés sur l’anneau au détriment de ceux qui veulent y rentrer. Moins de risques d’embouteillages, moins d’accidents entre véhicules, et surtout moins de chocs frontaux, donc de victimes graves. L’accroissement de la sécurité a un coût. Le prix à payer varie beaucoup, de 100 000 euros à un million en moyenne, avec des cas particuliers, jusqu’à plus de 8 millions à Dreux. À côté de ça, le fameux giratoire dit en cacahouète pour certains, en haricot pour d’autres, qui a été construit sur la commune de Nozay entre Nantes et Rennes pour la modique somme de 720 000 euros fait figure de bonne affaire. Et d’autant plus que sa forme originale imposée par l’état des lieux le dispense de tout aménagement « esthétique » et suffit à l’intégrer au paysage.
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