La gifle

Qu’on le prenne comme on veut, qu’on l’appelle de noms différents, c’est bien une torgnole, une mandale, un aller-retour, une claque, une tape, ou une tapette, une baffe, une beigne, une mornifle, un pain, une taloche, une tarte, que vient de recevoir l’ex-majorité, et le président Macron en premier lieu. Lui qui exerçait le pouvoir en solitaire et en majesté va bien devoir tenir compte des avis divergents qui ne manqueront pas de se faire connaître. Jupiter devra redescendre de son Olympe, se mêler aux simples mortels que nous sommes. Fidèle à sa méthode, sa première réaction semble de noyer le poisson en recevant et en consultant tous azimuts.

Il va donc rencontrer les responsables de groupes parlementaires et des forces représentées à l’Assemblée. C’est de bonne guerre, ça ne mange pas de pain. On ne pourra pas lui reprocher de ne pas l’avoir fait, mais il sait par avance que cela ne lui fera gagner que quelques jours et il sait déjà à quoi s’en tenir. Il peut espérer au mieux un soutien au cas par cas de députés de droite, mais ils sont déjà à l’os, et le groupe des Républicains vendra chèrement ses dernières concessions éventuelles. Il va devoir remanier son gouvernement, au minimum pour remplacer les trois ministres battues, et tenter un élargissement par la pratique habituelle du débauchage individuel. Le bénéfice en est incertain et la quarantaine de voix manquantes ne sera pas compensée de cette manière. Un député de la France insoumise a déjà prévu de déposer une motion de censure dès le début de la prochaine session et la confiance de l’assemblée envers le gouvernement est loin d’être acquise.

Élisabeth Borne n’est peut-être pas non plus la personnalité la plus à même de négocier des compromis et de naviguer à vue dans le futur marigot que sera la chambre des députés. Mais où trouver la perle rare, suffisamment aguerrie et respectée de tous les bords politiques pour trouver les chenaux navigables, sans faire de l’ombre au président actuel ? Il aurait déjà été difficile de manœuvrer le bateau parlementaire par temps calme, et cela semble mission impossible pour la Première ministre, avec ce gros temps annoncé. Mais revenons à ce titre évocateur, utilisé par une bonne partie de la presse, qui rappelle le film de Claude Pinoteau dans lequel Lino Ventura giflait sa fille de cinéma, Isabelle Adjani. La légende veut que, au cours d’une des nombreuses prises de la fameuse scène de la gifle, le comédien, ancien catcheur, aurait, par erreur, délivré une gifle réelle et monumentale, au lieu de l’artifice bien connu de l’illusion d’optique complétée par le bruit, et que c’est celle qui aurait été conservée au montage. C’est faux, bien sûr, mais me sert de parabole. Une bonne gifle, non simulée, telle que l’a reçue le président, est peut-être la meilleure manière de parvenir à un résultat.