Crimes de guerre, mensonges d’état

L’armée russe s’est retirée des zones de combat autour de la capitale ukrainienne qu’elle n’est pas parvenue à prendre, mais son départ a révélé les corps des civils qu’elle a exécutés sommairement, notamment à Boutcha, avant de refluer. Ces massacres en règle font suite aux nombreuses victimes déjà enregistrées dans les villes assiégées, autant par les destructions massives d’immeubles que par des tirs visant explicitement les populations. Ces représailles contre des habitants n’ayant eu de tort que de ne pas se soumettre à l’envahisseur sont odieuses et ignobles, et le pouvoir russe y ajoute le mensonge.

Vladimir Poutine ne se contente pas de nier toute implication dans ces hécatombes. Il accuse l’Ukraine d’en être l’auteur et de falsifier la réalité en ayant recours à des trucages et à des mises en scène pour donner le change. Peu lui importe que les pays occidentaux ne soient, dans leur immense majorité, pas dupes de ces dénégations et manipulations grossières. Il lui suffit, et c’est malheureusement le cas, que son opinion intérieure continue à le croire sur parole. Personne n’a envie d’être du mauvais côté de l’Histoire et d’assumer le rôle du méchant. Les Russes préfèrent croire qu’aucun des leurs, et surtout pas leur chef, puisse être aussi cruel et sans scrupules. Pour expliquer l’attitude des soldats russes, qui ont tiré sur les populations qu’elles venaient soi-disant « libérer », une théorie me paraît vraisemblable, et elle est liée à une organisation voulue par le chef des armées, Poutine en personne. Les soldats russes ne sont pas suffisamment formés à une lutte en combat rapproché, coûteuse en pertes humaines. Leur stratégie est basée sur l’artillerie et les bombardements, destinés à détruire les immeubles afin de forcer les habitants à se rendre sans combat, ou à quitter leur ville, ou encore à capituler faute de nourriture et de denrées de première nécessité. Les Russes ne sont pas préparés à la guérilla urbaine, dans laquelle il faut s’exposer pour prendre les villes, quartier par quartier, rue par rue, appartement par appartement. Les exactions commises par les soldats ne sont pas un accident de parcours, mais participent de la volonté de terroriser sciemment les adversaires, pour les amener à fuir ou à se soumettre.

On peut aussi rapprocher cette attitude de celle des armées en retraite, faisant payer leur frustration de ce qu’il faut bien appeler une défaite, comme à Oradour sur Glane, où les SS ont massacré toute la population, sans nécessité. Concernant les mensonges de Poutine, j’aimerais pouvoir dire que les Occidentaux n’en auraient jamais fait autant, si je ne me souvenais pas de la manipulation éhontée de Colin Powell en 2003 devant l’assemblée générale de l’ONU, brandissant un tube de farine inoffensive pour justifier l’intervention américaine en Irak. Et rien ne permet de penser que nous, Français, n’en avons pas fait autant à propos de l’Indochine ou de l’Algérie, par exemple.