N’ayez pas peur…

Madame, on n’est pas de la police ! Si Coluche, qui parlait ainsi en 1980 pour dénoncer les dérapages de la police, était encore de ce monde, il pourrait reprendre son texte sans y changer une virgule. Ou alors pour y ajouter un ou plusieurs codicilles. Un policier parisien, qui avait instruit une plainte pour agression sexuelle, s’est piégé tout seul en laissant par erreur un message insultant sur le répondeur de la victime, montrant clairement le peu de cas qu’il faisait de ce type de plainte en traitant la personne de, je cite, « grosse pute ».

Le message est accablant pour le policier, dont le ministre de tutelle, Gérald Darmanin, demande la révocation, c’est bien le moins, tandis que Marlène Schiappa se déclare « furieuse ». Des réactions qui ne sont pas à la hauteur de cet évènement, symbolique à plus d’un titre. Le ministre de l’Intérieur semble considérer le fonctionnaire comme une exception isolée, alors que tout démontre que la majorité des policiers manque cruellement de formation ou même d’information pour traiter correctement les plaintes sur les violences sexistes, notamment conjugales, ou les drames familiaux en général, qui concernent les femmes et les enfants. Quant à la ministre à la Citoyenneté, on ne lui demande pas une réaction émotionnelle, mais des mesures concrètes pour changer la situation. Car ce n’est pas une bavure isolée, mais un phénomène global qui touche la police comme l’ensemble de la société. Le policier incriminé prend à témoin ses collègues du commissariat, dont aucun n’émet la moindre protestation.

Pire encore, en interne, la police essaie de faire en sorte qu’aucune plainte pour agression sexuelle ne soit instruite par des policiers eux-mêmes auteurs de ce type de faits dans leur vie privée, ce qui n’a pas été le cas dans l’affaire récente du meurtre de Chahinez Daoud, qui avait tenté de porter plainte auprès d’un policier, lui-même agresseur de sa propre femme, et condamné à 8 mois de prison pour ces faits. Aujourd’hui encore, un policier est en cavale, soupçonné et recherché pour le meurtre présumé de son épouse la semaine dernière et qui court toujours. Je ne dis pas que l’ensemble des fonctionnaires de police est touché par cette misogynie, mais force est de constater que ce climat se perpétue, dans lequel la parole des victimes est mise en doute, tandis que les agresseurs présumés bénéficient d’un préjugé favorable. Un livre au titre éloquent : « Silence on cogne », paraissait en 2019 au sujet des conjoints de policiers violents, qui montrait la difficulté de déposer une plainte quand l’agresseur faisait partie de la maison. Cette empathie, voire cette connivence, continue visiblement à faire des ravages et à déconsidérer les victimes des violences.