Le grand métingue

Ça devait être le moment de vérité, celui où la candidate des Républicains soulèverait les foules de la droite de gouvernement et ferait redécoller une campagne un peu atone après un début fracassant. Et l’organisation était à la hauteur de l’évènement, la logistique, bien rodée, avait permis d’acheminer les militants et sympathisants jusqu’au Zénith de Paris, qui refusait du monde. À défaut du métropolitain chanté par Marc Ogeret, c’était vraiment un beau et grand métingue… si l’on fait abstraction de la performance de la vedette de ce seule en scène, peu convaincante aussi bien sur la forme que sur le fond.

À vrai dire, ce n’est pas une surprise, Valérie Pécresse n’est pas précisément une bête de scène, comme on a pu dire que Sarkozy était un « animal politique » jusque et y compris dans ses excès et ses outrances. Elle n’a pas le verbe haut naturellement et doit composer avec l’obstacle physiologique de pousser la voix sans qu’elle monte inexorablement dans les aigus, une forme qui nuit à la puissance de conviction, selon de nombreuses études scientifiques. Elle a donc consciencieusement évité le registre de la voix de tête, ce qui a donné un discours monocorde, sans relief, « robotique » selon certains de ses « amis » qui guettent le faux pas. Même le candidat Emmanuel Macron en 2016 avait fait mieux en s’exposant au ridicule de se casser la voix pour hurler son « projet ». Mais tout le monde n’est pas un tribun comme Jean-Luc Mélenchon, capable d’élans lyriques qui forcent le respect y compris de ses adversaires, qui sont ses meilleurs arguments et qui masquent parfois des positions discutables. Valérie Pécresse est à l’évidence peu à l’aise avec cet exercice du discours électoral, sorte de figure imposée des campagnes, alors qu’elle a su tirer son épingle du jeu dans le programme libre des débats télévisés au congrès des Républicains.

Mais ce qui lui a manqué le plus cruellement, contrairement au riche laboureur de la Fontaine, c’est le fond. Peu de propositions nouvelles et manque de souffle pour inspirer un enthousiasme au public visé. Elle pourrait revoir avec profit le film de Tavernier, « Quai d’Orsay », où le personnage de Dominique de Villepin, incarné par Thierry Lhermitte, fait plancher nuit et jour ses collaborateurs sur le discours qu’il doit prononcer à l’ONU, et dont il tirera sa gloire et sa réputation d’homme d’État. Il lui manque pour l’instant une histoire personnelle et un destin dont elle pourrait figurer la représentation, un roman national susceptible d’emporter l’adhésion et de faire rêver. J’ai encore en tête des moments comme l’arrivée en meeting de François Mitterrand candidat sous une lumière blanche, dramatisant l’évènement et faisant penser qu’il risque l’attentat comme dans les films de Costa-Gavras. C’était un autre siècle, un autre temps. Il faut peut-être abandonner les meetings comme ont disparu auparavant les discours de cours d’école, les estrades et les préaux.