Impardonnable
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 5 octobre 2021 10:15
- Écrit par Claude Séné
Nous savions déjà, bien entendu, que des cas de pédophilie avaient touché l’église de France, comme bien d’autres dans le monde. Nous avons rapporté ici même certaines affaires telles que celle du père Preynat, et l’attitude pour le moins ambigüe de sa hiérarchie, à commencer par le Cardinal Barbarin. Mais ce que révèle le rapport Sauvé publié aujourd’hui après trois ans d’enquêtes approfondies de la CIASE, commission indépendante sur les abus sexuels dans l’église, c’est l’ampleur et l’étendue de ces faits. Environ 200 000 victimes sur une période de 70 ans et quelque 3 000 auteurs de ces crimes abominables.
À un tel niveau de fréquence, on ne peut plus parler d’exception, mais d’un phénomène induit par les règles mêmes de l’organisation du clergé. Dans les témoignages des victimes d’abus sexuels de la part de prêtres, j’ai relevé une aberration révélatrice d’une interprétation folle des rites religieux. Selon cette femme, témoignant contre son prêtre bourreau, il se targuait d’avoir été absous de ses péchés grâce au rite de la confession pour pouvoir récidiver en toute bonne conscience, retournant ainsi l’esprit même de la religion catholique. C’était aussi faire bon marché de la souffrance éprouvée par les enfants, le retournement de la culpabilité et les dégâts irréversibles sur la construction psychique d’un être en devenir, avec toutes les difficultés que cela suppose pour trouver un équilibre. Le célibat forcé des prêtres et la règle de l’abstinence sont aussi de nature à exacerber les pulsions sexuelles, et exigent des sacrifices difficiles à assumer, même s’ils n’expliquent pas totalement et surtout n’excusent pas des comportements aussi nocifs.
Ce qui semble nouveau avec cette enquête, financée par l’église, mais totalement indépendante, c’est que l’on observe les faits du point de vue des victimes et non plus du point de vue des prêtres, brebis égarées à remettre dans le droit chemin. Les « sanctions » prises à l’encontre des prêtres pédophiles se résumaient souvent à un simple changement de paroisse. Au mieux pouvait-on espérer un « savon », un rappel à l’ordre. Ce n’est que très récemment que la hiérarchie catholique s’est avisée que de tels comportements, non seulement constituaient des infractions à la règle interne de l’église, mais aussi tombaient sous le coup de la loi, et devaient, comme tels, être portés à la connaissance des autorités judiciaires. Cette politique de l’autruche et la stratégie du lavage de linge sale en famille a montré son inefficacité, mais elle prévaut encore jusqu’au sommet, jusqu’au pape François en personne. Tout en voulant sincèrement améliorer une situation insupportable, le pape se préoccupe en premier lieu de la pérennité de l’église qu’il dirige, mettant sur un pied d’égalité victimes et coupables, qu’il faut accompagner tout en regardant le péché en face pour mieux le combattre. Il s’agit désormais de passer des déclarations d’intention aux actes.