Dessine-moi un avion

La maire écologiste de Poitiers a décidé de supprimer la subvention allouée à l’aéroclub local, qui lui permettait de promouvoir l’activité aérienne de loisir et notamment d’offrir des baptêmes de l’air à des enfants handicapés, en réalisant ainsi un de leurs rêves. Pour Léonore Moncond'huy, « l’aérien ne doit plus faire partie des rêves d’enfants ». C’est cette phrase qui a déchaîné les critiques sur les réseaux sociaux, à juste titre, me semble-t-il, car elle laisse penser que les politiques pourraient décider de ce qui relève de l’intime, et c’est inacceptable.

Sur le fond, toute municipalité a évidemment le droit de choisir les projets qu’elle souhaite soutenir, mais la tradition veut que les associations qui ont pignon sur rue et qui rendent un réel service à la population ne soient pas privées brusquement de leurs moyens de subsistance. On se souvient du conflit qui avait opposé en 1996 le maire Front national de Toulon au festival du centre national de la danse de Châteauvallon. Néanmoins, la position de refuser de subventionner les activités liées aux sports motorisés au nom de la lutte contre le réchauffement climatique fait apparaître EELV comme dogmatique et sectaire. La maire de Poitiers offre un prétexte en or à la majorité présidentielle de détourner l’attention de ses atermoiements sur les sujets importants abordés a minima dans la loi sur le climat, qui trahit allègrement les engagements d’Emmanuel Macron envers la convention citoyenne des 150. D’ailleurs, le tollé des ministres concernés ou non par le sujet est assez révélateur de la méfiance gouvernementale envers les écologistes, considérés comme des gêneurs, et pire encore comme des rivaux potentiels.

Ce qui s’est produit aux municipales pourrait se renouveler à l’occasion des élections régionales et départementales, si elles ont bien lieu au mois de juin comme c’est probable. La gauche, bien qu’éclatée, s’est réunie sous la bannière des verts, ultra minoritaire, mais avec le vent en poupe, et a réussi à remporter des grandes villes telles que Marseille ou Lyon. Il y a d’ailleurs un précédent lorsque Marie Christine Blandin a accédé en 1992 à la présidence de la région Nord–Pas-de-Calais, à la faveur d’un accord des écologistes avec le PS et le PC. L’écologie bénéficie indiscutablement d’un regain de faveur dans l’opinion, et elle peut mobiliser, comme la république en marche dans des catégories de population variées et différentes des clivages traditionnels. Elle souffre cependant d’un péché originel, qui est d’apparaître souvent comme punitive et castratrice, imposant des restrictions avec un rigorisme proche du protestantisme. Plutôt que de vouloir détruire des rêves d’enfants, il faudrait qu’elle incarne l’accès à un monde meilleur, qui reste à imaginer, et dont il faudrait jeter des bases constructives. À quand une écologie joyeuse et fraternelle ?