Humour

Vous connaissez la question : « peut-on rire de tout ? » et la réponse, « oui, mais pas avec n’importe qui ». En ce qui me concerne, je ne crois pas partager le sens de l’humour très particulier dont se vante l’homme d’affaires Pierre-Jean Chalençon. Son avocat a fait savoir que sa mise en cause de ministres qui auraient participé à des dîners clandestins fastueux n’était rien d’autre que la manifestation de son « sens de l’absurde ». S’il est exact que pour l’instant aucune preuve ne vient étayer l’affirmation selon laquelle il aurait effectivement dîné avec des ministres dans des restaurants clandestins où les gestes barrière n’étaient pas respectés, la rumeur est prise très au sérieux par l’exécutif.

Dans le climat actuel de démonétisation de la parole gouvernementale, la sortie du collectionneur médiatique a eu des effets dévastateurs. Pas une voix en dehors du cénacle proche du pouvoir n’a considéré cette affirmation comme invraisemblable, et c’est tout dire. Après avoir mis ses grands pieds dans un plat trop petit pour lui, Pierre-Jean Chalençon a tenté vainement de remettre le dentifrice dans le tube en revenant sur ses propres déclarations et en s’estimant victime collatérale d’une campagne de dénigrement du pouvoir en place. Il aura du mal à attirer la sympathie des Français en admettant implicitement avoir participé, sinon organisé, à de tels dîners luxueux, aussi choquants moralement quand beaucoup se serrent la ceinture, au sens propre, que contraires aux règles que s’imposent les simples citoyens.

Pas plus que j’éclaterais de rire après les graves propos tenus par l’apprenti humoriste, je ne verserai la moindre larme sur le destin du triste sire dont je découvre la carrière à cette occasion. Car le sieur Chalençon était une vedette du petit écran où il participait à une émission très suivie, « Affaire conclue », dont il a été viré comme un malpropre en 2020 pour s’être un peu trop affiché en compagnie d’un autre « humoriste », professionnel celui-là, mais aussi condamné pour ses propos racistes et négationnistes, Dieudonné. Le selfie commun a été pris lors de la fête d’anniversaire de Jean-Marie Le Pen où les deux compères étaient invités. Il s’en est excusé chez un autre animateur controversé spécialisé dans les bruits de caniveau, Jean-Marc Morandini, impliqué dans des accusations d’agressions sexuelles. Il reste à vérifier l’existence et la réalité des faits exposés dans l’émission de M6 selon qui des privilégiés auraient participé à des agapes comprenant caviar et champagne, accompagnant des menus fastueux concoctés par de grands chefs, en toute illégalité. L’affaire est déjà scandaleuse en elle-même, et pourrait même engendrer une affaire d’État s’il était avéré que des ministres y ont participé, soit en payant fort cher leur quote-part, soit en y étant invités à titre gracieux en échange de leur silence complice, voire de faveurs ultérieures.