Le baron noir
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 25 mars 2021 10:46
- Écrit par Claude Séné
Les quelques « privilégiés » qui ont pu apercevoir la déclaration de candidature de Xavier Bertrand à l’élection présidentielle de 2022 à la télévision ont dû se demander comme moi, qui était mort et de qui il allait faire l’éloge funèbre. Filmé en plan rapproché, vêtu d’une veste noire sur une chemise blanche décorée sobrement d’une cravate noire elle aussi, seul le visage se détachait sur un fond d’un noir obsèques. Il ne manquait que le crêpe et la voilette de la veuve éplorée pour évoquer le cher disparu avec toute la pompe requise en telle circonstance.
Contrairement aux apparences, ce décorum de deuil visait seulement à donner une certaine solennité à un non-évènement. La candidature de Xavier Bertrand est connue depuis longtemps, il l’a fait savoir à de nombreuses reprises, il n’y a donc rien de nouveau sous ce soleil-là. On ne peut même pas dire qu’il l’officialise, puisque le registre des bans pour la campagne n’est pas encore ouvert, même si Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan, par ordre d’entrée en scène, ont déjà fait connaître leurs intentions. Il semble simplement avoir voulu couper l’herbe sous le pied aux nombreux prétendants issus de son propre camp que l’aventure tente également. Si je compte bien, ils sont au moins trois à y penser en se rasant ou en se démaquillant : Valérie Pécresse, Laurent Vauquier et Bruno Retailleau. Sans oublier l’ancien premier ministre ex-Les républicains, Édouard Philippe, en embuscade, pardon, en réserve de la République. La stratégie de Xavier Bertrand consiste à prendre de court son ancien parti en le mettant devant le fait accompli d’une candidature « naturelle » sanctifiée par les sondages, sans passer par la case d’une primaire de la droite et du centre, jugée mortifère et très risquée.
Il va se heurter à un obstacle de taille avec l’échéance des élections régionales où il sera candidat à sa propre succession, mais ne pourra pas cette fois-ci compter sur le soutien forcé au 2e tour d’une gauche enfin réunie dans les Hauts de France. Il devra aussi expliquer à ses électeurs potentiels qu’il n’exercerait pas son mandat régional en cas de victoire aux présidentielles. Un échec régional mettrait évidemment un terme à ses ambitions nationales. Pour battre le Rassemblement national emmené par Sébastien Chenu, il reprend la presque totalité de son programme, et pratique la surenchère en matière d’immigration et de politique sécuritaire. Jusqu’à présent, une telle tactique n’a fait que renforcer l’extrême droite, les électeurs préférant l’original à la copie, et n’augure rien de bon pour une campagne à l’échelon national. Beaucoup de déçus du macronisme risquent de s’abstenir au 2e tour plutôt que de choisir « le moins pire » entre des candidats plus réactionnaires les uns que les autres.