Où est passée la démocratie ?

Serions-nous passés subrepticement dans un régime non démocratique ? Voire autoritaire ? La fameuse 6e république appelée de tous les vœux des Français convaincus que la 5e est devenue obsolète après la disparition du général de Gaulle pour lequel avait été taillée sur mesure la constitution de 1958 et sa révision de 1962, se serait-elle installée en catimini sans crier gare ? Si les institutions n’ont pas vraiment changé, leur usage a semble-t-il été profondément remanié. Nécessité fait loi, dit-on, mais la crise sanitaire ne doit pas conduire à l’abandon de la souveraineté populaire.

Conscient de l’image de dérive autoritaire des institutions, où tous les pouvoirs se concentrent entre les mains d’un seul, Emmanuel Macron essaie de donner le change en pratiquant un ersatz de démocratie directe par la mise en place de comités Théodule supposés représenter le peuple et lui permettre de s’exprimer. C’est ainsi que 30 Français, ainsi que 5 suppléants, ont été choisis par tirage au sort, pour réfléchir à la politique de vaccination du gouvernement d’ici à l’été prochain, c’est-à-dire quand le plus gros de la campagne sera passé. On hésite entre le cautère ou le sparadrap sur une jambe de bois. S’il s’agit de connaitre l’avis des 66 millions de Français sur les sujets les plus variés, on a déjà les sondages d’opinion. Et que fera le gouvernement du résultat de ces cogitations ? La convention citoyenne pour le climat nous a donné un aperçu de la désinvolture présidentielle vis-à-vis de ses propres engagements. La pratique de Macron tend à contourner le pouvoir législatif des deux assemblées supposées contrôler l’action gouvernementale.

Mais ce n’est pas tout. Le gouvernement lui-même voit ses prérogatives progressivement rognées par la prééminence donnée aux réunions du Conseil de défense, promu décideur en toutes matières, et largement soumis au président de la République qui lui fait endosser ses propres décisions, tout comme les autorités de Santé qui valident les choix politiques du chef de l’état. Cette institution, et à travers elle, le président, détient le véritable pouvoir, alors qu’elle ne dépend en aucune façon du fameux « peuple souverain » dont on se gargarise si facilement. Et comme si ça ne suffisait pas, le parlement, dont les pouvoirs fondent comme neige au soleil dans la pratique de la vie politique, se saborde volontairement en votant des lois qui transfèrent ses dernières attributions au pouvoir exécutif dans des dispositions d’urgence sanitaire. Depuis le 23 mars 2020, l’état d’urgence sanitaire permet au pouvoir de légiférer par décret. Il a été prorogé en juillet, puis renouvelé en octobre et enfin en novembre, ce qui lui permettra d’être applicable jusqu’en février et éventuellement jusqu’au 1er avril 2021. Et pour quel résultat ? Un état omnipotent englué dans sa bureaucratie, incapable d’anticiper et d’organiser la lutte contre la pandémie.