Filons la métaphore
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 8 mai 2020 10:59
- Écrit par Claude Séné
Pour situer mon propos, je commencerai par cette anecdote. C’est un psy qui en croise un autre dans la rue. Le premier salue son confrère par un « bonjour » tout ce qu’il y a de plus neutre, et l’autre, tout en lui répondant poliment, ne peut pas s’empêcher de se demander : « qu’est-ce qu’il a bien pu vouloir dire par là ? » C’est le type même d’interrogation qui ressort de la diffusion d’une visioconférence organisée par l’Élysée afin de rassurer les milieux culturels et leur démontrer qu’ils ne sont pas les parias de la société.
Emmanuel Macron y a appelé à « enfourcher le tigre » afin de le domestiquer et éviter de se faire dévorer par lui. Les exégètes de la pensée présidentielle se sont précipités pour trouver les origines de cette comparaison pour le moins sibylline, et je me suis moi-même interrogé, sans pouvoir me répondre d’une façon irréfutable. S’agissait-il d’une allusion à Clemenceau, dont j’évoquais les brigades ici même, il y a peu ? Pas mal, mais peu probable. Un bref brainstorming individuel me renvoie au tigre du Bengale, une espèce en voie de disparition, comme les lanciers du même tonneau. Ou bien au tigre de papier, une des expressions favorites de Mao Zedong pour désigner l’occident en général, et les États-Unis en particulier, en rabaissant leur puissance apparente qui cacherait une faiblesse profonde. Ou encore à une campagne publicitaire en faveur d’une compagnie pétrolière, qui nous invitait dans les années 60 à « mettre un tigre dans notre moteur » et à accrocher à notre rétroviseur sa queue, devenue symbole de « beaufitude » absolue. Tout près de donner ma langue au tigre, je consulte mon ami gogol qui m’apprend qu’un certain Julius Evola, dont je dois reconnaître, à ma courte honte, que j’ignorais jusqu’à son existence, a publié en 1961 un essai intitulé : « Chevaucher le tigre », semblant avoir inspiré le président français. La référence est un peu gênante, voire fâcheuse, dans la mesure où l’auteur serait un modèle absolu dans les milieux des droites ultimes.
Alors, admettons que la formule du président ne soit qu’une image dont il ne faut pas chercher à tout prix une signification et une portée plus universelle. À quoi nous renvoie-t-elle ? À une sorte de mantra typique de la philosophie macronienne : « quand on veut, on peut ! » il suffit de traverser la rue pour trouver du boulot et se payer un costar. Les intermittents, on va les aider, mais si ça se trouve, ils s’en sortiront très bien tout seuls. Bon, il n’est pas exclu que le tigre en bouffe un certain nombre avant qu’on réussisse à le dompter, mais la mort fait partie de la vie, et les plus forts survivront. N’est-ce pas l’essentiel ?
Commentaires
ps extrait de la dictée de FR3 hier