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C’est pour mieux te traquer, mon enfant
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 21 avril 2020 10:41
- Écrit par Claude Séné
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Tel le petit Chaperon rouge, le Français moyen observe avec une certaine défiance les grandes oreilles poilues qui dépassent du bonnet de la grand-mère qui lui propose de se prêter volontairement à l’espionnage de son précieux smartphone, un « doudou » dont il ne peut plus se passer. L’idée est aussi simple que lumineuse. Si l’on pouvait connaitre les trajets empruntés par un patient atteint du Covid-19, et quelles personnes il a pu croiser à cette occasion, on pourrait leur demander de faire le test pour savoir si elles ont été infectées.
Cela apparait comme du bon sens élémentaire : plutôt confiner les personnes atteintes que l’ensemble de la population. Comme toutes les apparentes bonnes idées, il faut quand même y réfléchir sérieusement avant de se lancer. Cela veut dire renoncer à la confidentialité de ses déplacements et donc s’aliéner une liberté individuelle parmi les plus sensibles. Les promoteurs d’un tel projet auront beau vous jurer, la main sur le cœur, que les données resteront anonymes, et notamment que l’identité des contaminés ne sera pas révélée, en particulier à un employeur, la méfiance reste de mise. Une fois le principe accepté, il pourrait être pérennisé pour longtemps. On a pu voir comment l’état d’urgence décrété après les attentats terroristes avait été prolongé à plusieurs reprises, certaines dispositions étant même intégrées au droit commun. Et l’on peut légitimement se poser des questions sur l’usage que pourrait faire un pouvoir autoritaire de l’exploitation des données personnelles.
Pour être efficace, l’application dite « StopCovid » devrait être activée sur au moins 60 % des téléphones, et idéalement sur les ¾ d’entre eux. Pour persuader les « clients » potentiels, on pourrait être amené à utiliser la carotte, des permis de circuler plus favorables, ou le bâton, des amendes similaires à celles en vigueur actuellement pour les manquements aux dérogations de sortie. On n’a que l’embarras du choix. D’aucuns font observer que les géants de l’Internet utilisent déjà massivement la géolocalisation à des fins marchandes, sans susciter une levée de boucliers. Ce n’est pas rassurant, au contraire. Au moins les visées de Google, Apple ou Amazon sont-elles claires. Elles me font penser à cette ancienne campagne publicitaire en faveur d’une banque, dont le slogan annonçait la couleur : « pour parler franchement, votre argent m’intéresse ». Le sujet des libertés est encore plus sensible. L’opinion ne comprendrait pas qu’une telle mesure puisse être décidée sans un vote de la représentation nationale et la mise en place de mécanismes de contrôle, notamment celui de la CNIL, pour une pratique strictement encadrée. Reste que la pénurie de tests diagnostiques pourrait clore dans l’œuf toute discussion sur une technique de dépistage qui deviendrait sans objet, faute de moyens.