Entre-deux

Il ne vous aura pas échappé que nous vivons actuellement une période inédite, celle d’un entre-deux tours d’élection municipale sans précédent dans notre histoire, dont on ne sait toujours pas comment elle va se terminer. Faudra-t-il, ou non, reprendre de zéro le scrutin, en invalidant, de fait, le premier vote, excepté pour les maires élus au premier tour ? Un joli casse-tête en perspective pour les juristes spécialisés en droit constitutionnel. Si l’on sait déjà que des élections ne pourront pas se tenir avant le mois de mai ou même juin, il n’est pas impossible qu’il faille attendre la rentrée pour voter dans des conditions sanitaires acceptables.

Autant dire une éternité à l’échelle électorale. Les maires déjà élus ou réélus, aussi bien que les candidats qualifiés pour un second tour, se doivent d’occuper le terrain, et c’est la raison pour laquelle des arrêtés municipaux, promulgués ou en préparation, se sont multipliés ces jours derniers, avec plus ou moins de bonheur. C’est Christian Estrosi, qui s’est déjà illustré par une politique agressive de sécurité en multipliant les caméras de surveillance comme les pains aux au lac de Tibériade, qui a dégainé le premier en promettant à la population niçoise des masques à porter obligatoirement. D’autres communes devraient suivre, y compris Paris, à condition de trouver la marchandise nécessaire en quantité suffisante. À Paris aussi, on devrait pouvoir marcher entre 10 heures et 19 heures, mais pas courir. Verra-t-on des Parisiens adopter le déhanchement caractéristique des adeptes de la marche sportive pour contourner le règlement ?

À Marcq-en-Barœul, il sera interdit de cracher par terre, ce qui est de simple bon sens, et qui rappelle les vieux écriteaux pour lutter contre la tuberculose. Espérons qu’il restera licite de parler breton, pour ceux qui le connaissent. Pour certains maires, il est possible de se promener ou de courir, à condition de ne pas s’arrêter. Celui de Biarritz voulait limiter le repos sur un banc à deux minutes avant de changer d’avis. J’imagine le tableau avec des citoyens munis d’un disque de stationnement et chronométrés par une police municipale renforcée. À Béziers, le sympathique maire apparenté à l’extrême droite a résolu la question en démontant tous les bancs publics. L’histoire ne dit pas où se sont réfugiés les amoureux, qui, de toute façon, vivraient dangereusement en continuant de se bécoter. Y aura-t-il une limite au zèle démagogique des maires en mal de popularité ? Peut-être. À Sanary-sur-Mer, le maire avait décrété que la distance de promenade autorisée, un kilomètre, devait être ramenée à 10 mètres de son domicile, soit la longueur d’une laisse à enrouleur, en gros. Il a finalement retiré lui-même son arrêté qui aurait été, sinon, attaqué en justice par le préfet.