Esprit de contradiction

La crise sanitaire que traverse notre pays, comme une bonne partie de la planète, est l’occasion de réfléchir à l’organisation de notre société. J’ai été frappé par la progressivité extrême avec laquelle les autorités de l’état ont annoncé les mesures de protection contre la dissémination du fameux virus. J’ai eu tendance, comme beaucoup, à considérer que la menace était peut-être exagérée, et que des précautions de simple bon sens pourraient limiter, voire empêcher la propagation de l’épidémie. Nos dirigeants, même s’ils sont supposés disposer de moyens d’information plus performants que le grand public, ont peut-être été victimes de la même illusion.

Mais leur prudence a aussi pu être été dictée par des considérations liées à une surestimation des réflexes de rejet que pourraient entraîner des mesures coercitives comme celles que nous connaissons actuellement. Après la crise des gilets jaunes, la montée des mécontentements contre les réformes imposées d’en haut, l’impopularité du pouvoir et de ses représentants, ne risquait-on pas une explosion sociale à imposer des limitations drastiques aux libertés individuelles ? Au lieu d’étaler sur plusieurs jours et plusieurs interventions télévisées les déclarations du président, du Premier ministre et de divers ministres, il aurait été plus clair, cohérent et compréhensible de présenter l’ensemble du plan décidé en haut lieu. Apparemment, Emmanuel Macron a calé sur l’obstacle des élections municipales, qu’il n’a pas osé reporter d’emblée, comme il semblait le souhaiter, pour ne pas passer pour un dictateur.

Ce qui explique pourquoi il prend grand soin de maintenir les formes en faisant entériner ses décisions par le parlement, même réduit à sa plus simple expression par précaution. De la même façon, le pouvoir s’attache à convaincre les Français du bien-fondé des mesures coercitives et se félicite de leur application. Comment pourrions-nous faire autrement ? On ne nous en laisse pas le choix. Les amendes et la force publique sont là pour contraindre la population de suivre les consignes. Il est vrai que les Français forment un peuple que l’on dit volontiers arrogant, et qui a tendance à exercer un droit de discussion sur tout ce qu’on lui présente. Le gouvernement se veut-il rassurant en affirmant que voter est sans risque, et la population en déduit qu’on lui cache des choses et que la situation est plus grave que ce que l’on veut bien lui dire. Annonce-t-il une apocalypse imminente si l’on ne suit pas ses directives que nous en concluons qu’il y a sûrement beaucoup d’exagération. Si cette nouvelle provient de canaux invérifiables, elle est automatiquement validée par une opinion friande de théories du complot. Si les cafés du commerce réels sont fermés, il nous reste l’internet, et ses salons virtuels.