Inexorable

S’il est une chose que l’on ne peut pas dénier à Emmanuel Macron, c’est bien sa connaissance lexicale approfondie, dont il ne manque jamais une occasion de l’étaler, au point de déconcerter une partie de la gent journalistique dont la vacuité de la culture générale me sidère et parfois même m’atterre. Tel par exemple ce sympathique presque quadra de France 5, Maxime Switek, qui a avoué sans détour avoir découvert le mot calembredaine tout récemment. Ou encore le nouveau maitre à penser de la jeunesse, Yann Barthès, qui compense dans Quotidien avec une naïveté désarmante, des lacunes linguistiques franchement déroutantes.

On ne peut donc pas penser que le président de la République ait employé le terme inexorable par hasard et qu’il n’en connaisse pas la signification exacte. En effet, en évoquant la progression du coronavirus en France, il a jugé l’épidémie « inexorable ». Là où il aurait pu employer le qualificatif assez neutre d’inévitable, il introduit une dimension morale qui me paraît contestable. Étymologiquement, inexorable sous-entend qu’il y a une forme de volonté, dont on ignore l’essence, divinité ou fatalité, à laquelle il serait impossible de s’opposer. Dans ce sens, on envisage une instance toute puissante, qui resterait insensible à toutes nos prières. De là à s’imaginer que le fléau en question serait la conséquence d’une faute morale, il n’y a qu’un pas. Emmanuel Macron n’avait que l’embarras du choix : l’épidémie serait inéluctable, ou simplement certaine, ou encore implacable, voire sévère ou assurée. Et pourquoi pas inflexible, fatale, imparable, obligatoire ou sûre ? Une liste non exhaustive qui montre bien les multiples nuances dont peut faire preuve la langue française et que n’ignore pas un fin lettré comme le président, qui n’hésite pas à exhumer des paléologismes (ne cherchez pas, je viens de l’inventer) comme la carabistouille ou la poudre de perlimpinpin. C’est donc à dessein, et dans le but de s’exonérer à l’avance de toute responsabilité devant la survenue d’un évènement tel qu’il dépasse les capacités humaines que Mr Macron utilise ce vocable de préférence à tout autre. Car il sait qu’avant d’être sanitaire ou économique, la crise est avant tout morale.

De la capacité à apparaître comme organisé, serein et déterminé dépendra la suite du cours de l’histoire, dont peut dépendre sa réélection. C’est pourquoi il n’a pas hésité à se rendre dans un établissement pour personnes âgées, celles qui votent le plus et spécialement pour le pouvoir en place, pour expliquer qu’il ne fallait plus y aller, illustrant parfaitement le maître mot des puissants de ce monde : « faites ce que je vous dis et non pas ce que je fais ! », tel Pharaon devant la onzième plaie d’Égypte.

Commentaires  

#1 Josette 07-03-2020 13:33
Et n'oublions pas que le terme inexorable est quelque peu théâtral.Il n'est donc pas surprenant qu'il soit utilisé par ce formidable artiste, qui joue un des plus beaux rôles de sa vie.
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