Le calvaire de Séverine

Séverine ? Quelle Séverine ? Ah ! l’ingratitude des médias, la roche Tarpéienne si proche du Capitole, l’oubli dans lequel toute chose humaine finit par tomber… enfin, Séverine, quoi ! Séverine Servat de Rugy, la femme de, celle qui se taisait depuis juillet 2019, quand son mari, François, a été poussé à la démission après les révélations de ce que l’on a appelé alors le « homard gate ». Elle revient, et elle n’est pas contente. Elle le fait savoir et y consacre le plus clair de son livre, la marche du crabe, dont les « bonnes feuilles » sont publiées dans « Elle ».

Elle l’affirme, le signe. Ce livre n’a pas été dicté ni même relu par son mari, François de Rugy. Elle estime être victime de sexisme parce que l’opinion publique l’a tenue responsable des goûts de luxe attribués à tort selon elle à l’ancien président de l’Assemblée nationale devenu ministre de l’Écologie par la grâce de la démission surprise de Nicolas Hulot. Que le sexisme existe, je n’en doute pas une seconde. Que sa position de journaliste people au journal Gala l’expose au soupçon de frivolité, j'en conviens volontiers, mais je pense qu’elle se trompe de combat. Tout son argumentaire et son plaidoyer pro domo reposent sur un contresens largement partagé par son époux, qui s’est défendu maladroitement en indiquant qu’il n’aimait pas le homard et ne buvait pas de champagne. Comme si le sujet était sa supposée gourmandise et une voracité hypothétique, alors qu’il s’agit de train de vie et d’utilisation des deniers publics.

Alors vous qui enviez le destin des grands de ce monde, lisez l’ouvrage de Séverine et vous serez édifiés sur leur triste sort. Sous les ors de la République du palais de Lassay, vous découvrirez une bâtisse mal chauffée et terriblement humide, dans laquelle on est obligé contractuellement de résider. Pire encore, les coûteux fruits de mer auxquels ils n’ont aucune envie de goûter, les somptueux repas, les vins de prix dont ils n’ont que faire, leur sont imposés par une intendance tyrannique. Ils n’ont aucune voix au chapitre dans le choix des menus, et préféreraient pourtant des mets plus frugaux. Je crains le pire pour leurs organes digestifs. On se demande pourquoi des êtres humains normalement constitués se soumettent à de si rudes épreuves. Faut-il qu’à défaut d’appétence pour les festins, ils soient avides d’une autre drogue dure, le goût du pouvoir ! Si les dîners des de Rugy présentaient tant de faste, ce ne pouvait être que dans le but d’épater leur galerie, le cercle de ceux qu’ils croyaient leurs amis et dont au moins une d’entre eux les a poignardés dans le dos en renseignant la presse, photos à l’appui. Bien triste destin, en effet.