Déflagration

Benjamin Griveaux, comme vous le savez sûrement si vous n’habitez pas la planète Mars, a annoncé le retrait de sa candidature à la mairie de Paris à la suite de la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo « à caractère sexuel » selon la terminologie adoptée par les médias, initialement adressée à une femme qui n’est pas la sienne. Aucun caractère délictueux, donc, l’adultère, s’il était avéré, n’étant pas puni par la loi. C’est au contraire le diffuseur, en l’occurrence un activiste d’origine russe qui sera sans doute poursuivi pour cette divulgation de la vie privée sans le consentement de l’intéressé.

Techniquement, Benjamin Griveaux n’était pas obligé de se retirer. On a vu comment François Fillon s’est accroché, alors qu’il lui était reproché des faits autrement plus graves, pour lesquels il va être jugé. On en a vu le résultat. Le candidat LREM a préféré s’épargner une suite de campagne éprouvante, alors qu’il était déjà à la traîne dans les sondages et que ses chances devenaient très minimes de l’emporter, et même de faire un bon score. De l’aveu même de ses proches, « il n’imprimait pas ». Si François de Rugy était harcelé par des homards après les révélations de diners fastueux à l’hôtel de Lassay, on n’ose imaginer ce que les opposants auraient utilisé contre lui pour rappeler sa vidéo masturbatoire. Toute la classe politique a fait corps avec lui, y compris ses adversaires et concurrents d’hier pour la mairie de Paris. Ce que l’on comprend aisément. Ils ont dénoncé une dérive « à l’américaine », où tous les coups sont permis.

Je crains fort que la frontière entre vie privée et vie publique pour les personnages connus du grand public ne soit plus qu’un souvenir. La divulgation de comportements « inappropriés » est déjà un fait. Les délits éventuels sont dénoncés par des lanceurs d’alerte. La nouveauté c’est le jugement moral sur des pratiques à l’origine strictement privées, entre adultes consentants, qui ne regardent personne. Je ne dirais pas comme Christophe Barbier, qui a décroché la palme de la plus grosse bêtise, que Benjamin Griveaux n’a eu que ce qu’il mérite, mais je m’étonne qu’il n’ait pas réalisé l’imprudence de son envoi de tweet à une personne dont il ne contrôlait pas à l’évidence les faits et gestes. C’est d’autant plus incompréhensible qu’il a fait partie un temps des proches de Dominique Strauss-Kahn, dont la carrière a été interrompue pour des accusations d’agression sexuelle, fondées, celles-là. Les personnages publics, et au premier chef ceux qui briguent la confiance de leurs concitoyens, se doivent d’être exemplaires, sous peine de s’exposer à être tirés en plein vol, comme des lapins, selon l’expression fameuse de Thierry Roland.