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Oxymoron
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 6 février 2020 10:58
- Écrit par Claude Séné
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Je préfère vous avertir tout de suite. Je vais tenter de vous faire accéder aux hauteurs de la pensée présidentielle, une pensée complexe s’il en est, à une altitude où l’oxygène se fait rare, où seuls les premiers de cordée peuvent se hisser en temps ordinaire, où moi-même je ne me risquerais pas sans un équipement spécial et où je ne pense pas que je pourrais survivre au-delà de quelques heures. Autant être dans la tête de Donald Trump doit s’apparenter à la traversée du grand désert du Nevada, autant le foisonnement de la pensée d’Emmanuel Macron nécessiterait la machette pour s’y frayer un chemin.
J’ai été frappé par le fait que chef de l’exécutif se refuse à utiliser le terme de violences policières lorsqu’on l’interroge sur le sujet, comme s’il s’agissait là d’une catégorie de pensée à laquelle son cerveau pourtant brillant ne parvenait pas à accéder. J’ai beau chercher, je n’arrive pas à comprendre ce qu’il ne comprend pas. Les mots sont pourtant simples, voire d’une désespérante banalité. La réalité qu’ils désignent n’a rien de bien sorcier non plus. Le « passage à tabac » fait partie des pratiques ancestrales de la police sous toutes les latitudes. Seules les technologies diffèrent. Les risques de blessures sont forcément moindres si la police n’est pas armée. Après des dizaines « d’accidents », le ministre de l’Intérieur s’est finalement décidé à retirer certaines armes de guerre de l’arsenal répressif des forces dites de l’ordre, malgré le désordre patent infligé par la doctrine du pouvoir en matière de droit de manifester. Les nouveaux outils seront-ils moins dangereux ? Ce n’est pas certain.
Après des heures passées dans l’attitude du fameux « penseur » d’Auguste Rodin, mes méninges martyrisées m’ont rappelé qu’Emmanuel Macron est un président philosophe, qui a côtoyé le célèbre Paul Ricœur, et l’idée m’est venue qu’il considérait ces deux termes comme parfaitement antinomiques, qu’un policier ne pouvait pas, par essence, être violent, et vice-versa. De ce fait, les réunir dans une seule et même expression relevait d’une figure de style dénommée oxymore, ou oxymoron. L’effet poétique de « l’obscure clarté » ou de la « douce violence » est garanti, mais au-delà de la forme, un oxymore attire l’attention sur l’ambivalence des notions qu’il recouvre. L’esprit supérieur du président devrait y voir une illustration de son fameux « en même temps » qui fait que l’on peut parfaitement être policier et violent tout à la fois, de même que l’on peut être très intelligent et néanmoins très con. Loin de moi l’idée que ce serait le cas d’Emmanuel Macron. Je crois plutôt que certaines catégories mentales le contraignent à laisser les réalités qui le dérangent dans le domaine de l’impensé, ou de l’impensable. Ce qui ne les empêche nullement d’exister.