Écrans, levez-vous !

Et voici une énième resucée de la mise au pilori des écrans : smartphones, tablettes, télévision, ordinateurs, voilà l’ennemi. Pas plus tard qu’hier, nous pouvions prendre connaissance d’une nouvelle étude de Santé Publique France, menée sur des enfants âgés de 3 à 6 ans en Ille-et-Vilaine, qui démontre que les bambins qui regardent un écran le matin avant de partir à l’école ont trois fois plus de chances de présenter des troubles du langage. La conclusion des nombreux travaux est presque toujours d’affirmer que les écrans détruisent le cerveau de ceux qui les regardent.

Non seulement ils abêtiraient les enfants, et sans doute aussi les adultes, mais ils émettent la fameuse lumière bleue, particulièrement nocive, car elle empêcherait de s’endormir. Une nouvelle preuve que je ne suis pas normal, moi qui lis régulièrement sur ma liseuse le soir avant de tomber dans les bras de Morphée sans présenter le moindre signe de trouble de l’endormissement. Mais revenons au principal. Mes modestes notions de statistiques m’ont appris à faire la différence entre la corrélation de deux évènements et le lien de causalité qui explique l’un par l’autre. L’exemple type est le fait que la consommation d’huîtres est moins élevée pendant les mois dont le nom ne comporte pas la lettre R. Il ne viendrait à l’idée de personne que c’est l’orthographe et non le phénomène de laitance qui explique le surcroît de vente d’huîtres pendant les mois en R.

Lorsque j’étais enfant, c’est la bande dessinée qui jouait le rôle du baudet responsable de la baisse de niveau des écoliers. Plus récemment, on a accusé les jeux vidéo d’être responsables de tous nos maux. J’ai souvenir de deux frères âgés de 8 et 10 ans surnommés, l’un Sega, et l’autre, Nintendo, à cause de leur addiction à ces jeux. Comme toute addiction, elle les isolait en effet de leur entourage, mais était-elle la cause ou la conséquence de leurs difficultés relationnelles ? Il y a quelques mois est paru un ouvrage polémique d’un chercheur intitulé « la fabrique du crétin digital » qui n’est pas sans rappeler un autre livre de 2005 : « la fabrique du crétin : la mort programmée de l’école », un pamphlet contre toute innovation pédagogique depuis Jules Ferry. Deux titres faisant allusion au fameux « crétin des Alpes » cher au capitaine Haddock, dont l’infirmité était attribuée à une carence en iode. Ce qui montre bien que le scientisme n’est pas une invention récente. Et si les problèmes relevés dans les études étaient la conséquence d’un déficit dans les relations entre les enfants et les adultes, quand on confie la garde des petits à des machines ? Il y a déjà belle lurette que l’on a créé la « télé nounou » et je reste persuadé que l’éducation passe par la médiation d’une relation privilégiée.