La statue du commandeur
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 8 janvier 2020 11:13
- Écrit par Claude Séné
Sommes-nous dans la comédie ? La farce ? La tragédie ? Le burlesque ? Ou un peu de tout ça en même temps ? Comme dans la pièce de Molière, Don Juan ou le festin de Pierre, les personnages publics tiennent leur rôle, avec le grand méchant loup attribué à Philippe Martinez tandis qu’Édouard Philippe joue le grand Lustucru et que Laurent Berger amuse la galerie en Sganarelle. La pantomime est très réussie, mais il y a un acteur que l’on n’entend pas, et pour cause, car son rôle est muet : la statue du commandeur.
Car, mine de rien, c’est lui le deus-ex machina qui tire les ficelles, en coulisses. Depuis le début de la crise, le MEDEF ne s’est jamais exprimé, ou alors mezzo voce, tant et si bien que seuls les spectateurs du premier rang ont pu l’entendre. Mais le président et le gouvernement ont l’oreille fine et sélective. Alors qu’ils ignorent superbement les clameurs de la foule dans les rues, ils ont perçu l’aparté murmuré par Geoffroy Roux de Bézieux, refusant par avance toute augmentation des cotisations patronales. Le Premier ministre peut donc se permettre de feindre d’accepter toute « amélioration » provenant d’un accord entre les partenaires sociaux en sachant que l’un d’entre eux se chargera de rejeter les demandes des autres. Au fameux festin, toujours repoussé à plus tard, seule la statue du commandeur trouvera son compte. Le MEDEF a déjà bénéficié de la générosité de deux présidents successifs, sans retombées significatives pour les autres convives. C’est un véritable Moloch, qui dévore tout sans rien laisser que des miettes, en menaçant de les conserver également, par-dessus le marché.
Mais la pièce, ou la messe n’est pas encore dite. Et le symbole de cette glorieuse incertitude du sort, c’est la ministre du Travail, Muriel Pénicaut, dont il se dit qu’elle pourrait monter en première ligne pour faire valoir ses qualités supposées de négociatrice. Pour quelqu’un qui ne sait pas aligner trois mots consécutifs sans bafouiller, c’est plutôt surréaliste. D’un autre côté, personne n’y comprend plus rien à cette réforme, ça ne sera donc pas pire. Non, le symbole le plus fort, c’est que la ministre ne se déplace plus qu’en fauteuil roulant, comme si elle s’était tiré une balle dans le pied ou qu’elle s’était emmêlée dans le tapis. Il reste donc encore une petite chance pour que le commandeur expédie aux enfers Don Juan, alias Emmanuel Macron, à la fin de la pièce. Les élections municipales ne marqueront que la fin d’un acte. Il faudra attendre l’épilogue présidentiel pour apprécier pleinement la morale de l’histoire.
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