Si c’est flou…

Il y a un loup, disait, parait-il, la grand-mère de Martine Aubry, et probablement pas mal d’autres. Mais parfois, si c’est flou, c’est peut-être qu’il y a un fou. C’est ainsi que la brigade antiterroriste a tardé à qualifier le geste de ce déséquilibré de Villejuif qui a attaqué des passants à l’arme blanche et qui aurait crié le fameux « Allah akbar » caractéristique des fanatiques musulmans, mais pas que. L’assaillant, abattu par la police, n’était pas fiché S et il avait des antécédents psychiatriques. Il avait été soigné à Sainte-Anne et il était en rupture de traitement.

Jusqu’au Président de la République qui ne savait pas trop s’il devait employer le terme de terrorisme et qui s’en est sorti par une formule passe-partout en faisant allusion à de la violence aveugle. Ce qui est tout sauf exact. Si les agressions à l’arme blanche faisaient écho aux consignes lancées par Daesh pour poursuivre la lutte par tous les moyens, cette violence est orientée et non aveugle. Cela n’implique pas nécessairement l’existence d’un réseau qui aurait téléguidé l’attentat, s’il s’agit bien de cela. Cela ne contredit pas non plus la possibilité d’une maladie mentale, voire d’un fanatisme religieux. Quelques jours plus tard, à Metz, un autre individu a été stoppé in extremis par la police alors qu’il menaçait les passants avec un couteau aux cris de Dieu est grand en arabe. Cette fois, cette personne était connue et fichée, et elle pourra répondre de ses motivations puisqu’elle a été neutralisée et non abattue. Lui aussi souffrait de troubles psychologiques. Doit-on en déduire qu’il faut être fou pour être radicalisé ? Certainement pas, mais cela peut y pousser. De même que beaucoup de salafistes convaincus et prêts à passer aux actes se recrutent parmi les milieux du petit ou du grand banditisme.

Cette question de la folie peut apparaître comme secondaire, par rapport au problème principal que représente le regain d’attaques à caractère terroriste sur notre territoire. Elle est cependant moins anecdotique qu’il y parait comme en témoigne l’affaire Sarah Halimi, dans laquelle le meurtrier présumé n’est pas passé en jugement en raison de son irresponsabilité pénale. La famille de la victime réclame la tenue d’un procès, en espérant une condamnation par un jury populaire, et pour permettre de faire la lumière sur les circonstances du décès de cette femme juive de 65 ans. Dans l’état actuel des choses, le mobile antisémite a été retenu, mais pas celui de terrorisme, et Kobili Traoré, considéré comme aliéné, est resté interné en psychiatrie depuis. L’imbrication des motivations et la difficulté des diagnostics laissent une impression d’inachevé, mais il faut bien tracer une frontière quelque part pour apprécier le discernement des personnes mises en cause.