La volonté du peuple

La démocratie est le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres, selon la formule de Winston Churchill. Ses compatriotes vont probablement pouvoir vérifier une nouvelle fois son aphorisme après le triomphe des conservateurs aux dernières élections. Au Royaume-Uni, les électeurs se rendent parfois aux urnes avec leurs chiens. En revanche, beaucoup d’Algériens auront voté jeudi dernier avec leurs pieds, en refusant de mettre un bulletin de vote dans les urnes, considérant que tous les candidats ne représentaient que l’ancien régime.

Et en France ? nous avons un mélange de tout cela. La République en marche exerce un pouvoir sans partage grâce à une victoire électorale massive en 2017, mais depuis les Français ont l’impression de ne pas être entendus et d’être considérés comme quantité négligeable. D’où le mouvement des gilets jaunes d’une part, et la grève contre la réforme des retraites d’autre part. Le succès de Boris Johnson peut être interprété comme celui de la lassitude devant le feuilleton interminable du Brexit. À l’usure, les Britanniques, même ceux favorables au maintien de leur pays dans l’Union européenne, ont fini par se résigner à son départ en donnant la majorité à celui qui s’engage à en finir rapidement avec cette question. Sont-ils dupes pour autant des promesses démagogiques d’une amélioration spectaculaire de leur système de santé et d’une prospérité économique retrouvée ? Rien n’est moins sûr. Mais l’élection est un système binaire : on prend ou on laisse, c’est quitte, ou double. Les Anglais risquent d’en payer le prix fort pour au moins 5 ans, comme à l’époque de Margaret Thatcher, la dernière dirigeante à avoir obtenu une telle majorité, lui permettant d’étouffer tous les mouvements sociaux.

L’argument massue des partisans de la réforme des retraites, c’est qu’elle figurait dans le programme d’Emmanuel Macron et que les Français n’auraient donc pas été pris en traitre. Voire. Qui, parmi les partisans du candidat a vraiment lu en détail ses propositions ? Qui en a mesuré les conséquences ? Y compris chez les supporters du président actuel, peu nombreux sont ceux qui ont vraiment compris la réforme proposée, déjà pour la simple et bonne raison de ses contours très flous et du manque de préparation de ses modalités. Quand une question concerne la totalité de la population, comme celle de la retraite, la moindre des choses serait quand même de vérifier que les citoyens, une fois informés et en toute connaissance de cause, sont toujours d’accord avec une proposition qui semble avoir été griffonnée sur un coin de table pour faire plaisir à quelques syndicalistes et des économistes ne représentant qu’eux-mêmes. Autant pour les affaires courantes on peut accepter que les pouvoirs en soient délégués, autant les questions engageant des choix de société aussi importants devraient être soumis directement au peuple souverain.