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Les nouveaux vandales
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 7 novembre 2019 10:28
- Écrit par Claude Séné
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Alors ministre de l’Intérieur, Jean-Pierre Chevènement les avait appelés des « sauvageons », une expression reprise par Bernard Cazeneuve, occupant les mêmes fonctions en 2016, tandis que dans des circonstances similaires, Nicolas Sarkozy préférait le terme de « racaille », dont il promettait de débarrasser les quartiers difficiles, dans une visée ouvertement électoraliste. C’est que, à toutes les époques où j’ai eu le privilège de vivre, la question de la délinquance juvénile a toujours été un problème spécifique, et la façon de le traiter une pierre de touche de la politique.
Dans les années 40 et 50, à la sortie de la guerre, les jeunes de 13 à 21 ans sont familièrement nommés J3 d’après la mention portée sur leurs cartes de rationnement. Un film leur sera même consacré en 1946. Plus tard, ce seront les « blousons noirs » qui symboliseront une jeunesse désœuvrée se rassemblant en bandes rivales. En dehors de porter le perfecto noir, les Santiags et la mèche en forme de banane, ils écoutent du rock, alors une musique transgressive, et se battent à coup de chaînes de vélo et de coup-de-poing américains. Un journaliste les appellera des « rebelles sans cause ». La « Fureur de vivre » et la « Graine de violence » portés à l’écran aux États-Unis se reflètent dans cette génération perdue à laquelle les adultes de l’époque ne savent quoi dire, pas plus que de nos jours.
Le rap a remplacé le rock. Les jeans se sont troués. L’uniforme a changé, mais le mal-être est toujours là. La société reste désemparée devant les violences apparemment gratuites, comme celles de Chanteloup-les-Vignes de ces jours derniers. Les autorités ne comprennent pas les raisons qui ont poussé une trentaine d’adolescents à s’en prendre au chapiteau d’une école du cirque, dont le travail remarquable est salué par tous. Ou presque. Sur une vidéo postée sur les réseaux sociaux, on voit clairement le chapiteau brûler, et surtout on entend des rires et la voix d’un habitant du quartier qui se réjouit ouvertement de cette destruction et qui avance une explication. Selon lui, ce qui brûle alors est un lieu « interdit aux noirs ». Sur le moment, j’ai pensé que c’était un alibi un peu facile pour justifier l’injustifiable. Mais, à la réflexion, ce n’est peut-être pas si faux. Bien sûr, la directrice de l’école du cirque affirme vouloir recevoir tout le monde, et essaie sincèrement de le faire, mais ces jeunes sentent bien que la société, y compris dans ses initiatives les plus louables, ne s’organise pas en fonction d’eux. La lutte contre la pollution ou le réchauffement climatique ne fait pas partie de leurs préoccupations immédiates, de l’ordre de la survie. Nous n’habitons tout simplement pas le même monde, et il y a urgence à en tirer les conséquences.