C’est celui qui dit qui y est

Je n’ai pas eu le privilège douteux d’assister en direct à la bagarre de chiffonniers, pardon de voyous, qui a eu lieu sur TF1 dimanche soir entre Daniel Cohn-Bendit et Gilbert Collard, pas plus capables l’un que l’autre de maitriser leurs nerfs pour nous offrir le spectacle pitoyable de la politique quand elle se vautre dans le caniveau. Heureusement, ou malheureusement, les occasions de rattrapage ne manquent pas et la presse s’est fait un large écho de leur altercation. Il est assez facile de retrouver des enregistrements de leur violente dispute.

Il est nettement moins évident de comprendre les termes employés, car la confusion la plus totale régnait sur le plateau où les journalistes tentaient de rétablir un semblant d’ordre, d’autant plus difficilement qu’ils avaient eux-mêmes créé la situation donnant lieu à cette empoignade. Je n’ai aucune sympathie pour Gilbert Collard en tant que personne et je vomis les positions fascisantes qu’il représente, mais je suis bien obligé de reconnaître qu’il avait raison de souligner que le parti présidentiel était doublement représenté dans le débat puisque Stanislas Guérini, président de la République en marche était déjà invité et que Daniel Cohn-Bendit figurait à titre de « grand témoin » alors qu’il a notoirement soutenu la liste macroniste aux élections européennes, et qu’il est proche du président. Après quoi la situation a dégénéré, chacun des deux protagonistes se renvoyant des insultes à la figure, donnant ainsi une piètre image du débat démocratique.

L’un comme l’autre est coutumier de ce genre de provocations et s’est fait une spécialité de créer le scandale et de manier l’insulte et l’invective plutôt que d’échanger des arguments rationnels. Ce n’est pas digne de personnalités qui aspirent à représenter leurs concitoyens. Je n’ai été ni surpris ni déçu par Gilbert Collard dont je n’attends rien d’autre que ce genre de sortie, mais je continue à ne pas me résoudre à la lente désagrégation d’un symbole, qui, en son temps, a porté l’espoir de toute une génération en contestant l’ordre établi, auquel il se rallie désormais sans état d’âme apparent. Et surtout, je n’ai pas apprécié la façon dont Daniel Cohn-Bendit a tenté de justifier son attitude en invoquant l’antisémitisme dont il se serait senti l’objet dans cette dispute. Les insultes antisémites sont un phénomène suffisamment grave pour ne pas en rajouter quand il n’y a pas lieu de le faire. Que Gilbert Collard soit par ailleurs antisémite, même si le Rassemblement national réserve ses attaques aux musulmans depuis un certain temps, c’est bien possible, et même assez probable, mais il est contreproductif de crier au loup à tort et à travers. Le résultat ? Les deux partis arrivés en tête aux dernières élections sont renvoyés dos à dos, comme dans une cour de récréation où l’on se demande qui a commencé.