La rentrée de Monsieur Blanquer
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 3 septembre 2018 10:39
- Écrit par Claude Séné
Après les vacances de Monsieur Hulot, souvent décrié, toujours pas remplacé, voici donc la deuxième rentrée du sémillant ministre de l’Éducation nationale, dont l’une des principales initiatives est de remettre en vigueur une discipline qui n’avait jamais disparu, la bonne vieille dictée. Je ne sais pas pourquoi, quand j’aperçois la tête souriante et sympathique du ministre à la télévision, je me dis toujours qu’il lui manque des accessoires, indissociablement attachés à la fonction telle qu’il doit se la représenter : une blouse grise, comme au bon vieux temps, un bâton de craie d’une main et une baguette dans l’autre.
En un mot, ne dirait-on pas ce brave Topaze, incarné de façon inoubliable par Fernandel ? Comme lui, on espère que le ministre ne sera pas trop sévère avec les enfants et qu’il tâchera d’adoucir la dictée quotidienne dont il fait l’éloge en glissant quelques indices du type des « moutonsses » quand il n’y a pas qu’un seul « moutonne ». Car enfin, même un ministre passéiste et réactionnaire au sens propre du mot, lui qui veut revenir à une illusion de paradis perdu instauré par Jules Ferry, doit savoir que la dictée n’est pas un moyen d’enseigner l’orthographe, mais une façon de vérifier les acquisitions faites préalablement par les élèves. On peut prendre la température de quelqu’un toutes les demi-heures, encore faut-il avoir fait en sorte de faire baisser la fièvre entre temps. Tout ce discours n’a évidemment d’autre but que de rassurer les parents d’élèves en leur donnant une image figée d’une école qui ressemble à celle qu’ils ont fréquentée eux-mêmes.
Une école dépourvue évidemment de portables. Le ministère a attendu que chaque établissement gère bon an mal an la question des téléphones à l’école en instaurant des règlements intérieurs adaptés aux situations locales pour imposer une directive nationale inutile dont le seul intérêt est un effet d’annonce supposé valoriser le gouvernement. Reste le dédoublement des classes de CP dans les zones « difficiles » étendu aux CE1, ce dont on ne saurait se plaindre. À condition que les autres classes de l’établissement ne fassent pas les frais de l’opération, bien entendu. Avec la période de vaches maigres qui s’annonce, on s’attend à tout. Il est quand même paradoxal qu’un pouvoir qui prétend incarner le Nouveau Monde par rapport à l’ancien, qui se veut moderne, disruptif et résolument tourné vers l’avenir, qui souhaite abattre tous les conservatismes, combattre les Gaulois réfractaires aux changements et ne se donne aucun tabou, comprenez aucun scrupule, pour dissoudre les derniers acquis sociaux, prenne le visage du ministre le plus conservateur que l’éducation ait connu depuis longtemps. Et en même temps, on n’est pas pris en traitre tant il a la tête de l’emploi.
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