Négligence

Ce serait l’explication de la façon dont l’actuelle ministre de la Culture, Françoise Nyssen, par ailleurs codirectrice de la maison d’édition Actes Sud, gère ses affaires personnelles. En effet, elle avait omis de déclarer des travaux à Arles afin d’améliorer les locaux de son entreprise, et elle n’avait pas demandé la moindre autorisation pour ce faire. Ce n’est qu’en 2017, à l’occasion de son entrée au gouvernement, que son mari régularisera la situation, bénéficiant de la bienveillance de l’administration. Toute relation avec quelque amitié politique que ce soit ne pourrait évidemment qu’être fortuite.

Et voilà que le Canard enchaîné, qui avait déjà soulevé le lièvre arlésien en juin, dévoile une opération similaire à Paris, où le siège d’Actes Sud a bénéficié d’un agrandissement conséquent sans aucune autorisation, ce qui permet au passage « d’économiser » un tiers de la cotisation foncière, plus une taxe de 50 000 euros, plus une autre taxe annuelle de 2500 euros. Si nous sommes toujours dans le domaine de la négligence, alors on ne doit pas être loin de la « phobie administrative » qui avait frappé le secrétaire d’État éphémère au Commerce extérieur, Thomas Thévenoud, qui en a fait depuis son fonds de commerce. À moins que nous soyons déjà parvenus à un échelon supérieur, atteint et même dépassé par Jérôme Cahuzac. Car négliger à ce point les formalités administratives, surtout quand elles permettent d’éviter des dépenses « superflues », confine à de la désinvolture, mal venue quand on est simple citoyen, et coupable lorsqu’on exerce des fonctions au service de l’état. Cela s’apparente à la prévarication et n’est pas très éloigné de la forfaiture. Tandis qu’une simple négligence évoque un péché véniel, qu’elle semble toute prête à se pardonner.

Contrairement à l’idée reçue, ce n’est pas le pouvoir qui corrompt dans ce cas précis, puisque les faits sont antérieurs à l’accession aux plus hautes fonctions, mais le sentiment de caste et d’impunité dans certains milieux privilégiés. Et lorsque le président actuel se flatte de renouveler le personnel politique, où va-t-il chercher les nouvelles élites pour le soutenir dans son action ? Chez les employés ou les ouvriers qui végètent au pied de l’escalier social, qui a avantageusement remplacé l’ascenseur, toujours en panne ? Pas du tout. Chez les bobos férus de culture entrepreneuriale, que les scrupules n’étouffent pas, et qui sont peu soucieux d’éventuels conflits d’intérêts, comme Françoise Nyssen, ou Agnès Buzyn, actuelle ministre de la Santé. N’oublions pas non plus que le « négligé » (en français dans le texte) qui nous a été emprunté par plusieurs langues, désigne un vêtement féminin porté dans l’intimité, souvent en soie, et évoque le luxe, la richesse, la frivolité, autant de valeurs prônées par ce pouvoir comme des indicateurs de la réussite sociale.