Mille milliards de dollars

C’était le titre visionnaire d’un film d’Henri Verneuil, en 1982, avec Patrick Dewaere dans le rôle principal, celui d’un journaliste découvrant une sombre machination économique d’une multinationale déployant ses activités tentaculaires sur le monde entier. Et voilà, c’est fait. La capitalisation boursière d’Apple a franchi le seuil symbolique des mille milliards de dollars, l’équivalent du produit intérieur brut du Mexique. Depuis 1980, où la société est officiellement introduite en Bourse, la valeur de l’action a été multipliée par 40, et les bénéfices du groupe dépassent les 20 milliards de dollars sur le seul dernier trimestre de 2017.

Pour comprendre comment Apple en est arrivé là, une petite histoire, que vous connaissez peut-être. Ce sont deux milliardaires russes qui se rencontrent au bar du Ritz. Le premier retrousse sa manche et exhibe une superbe montre dont je tairai la marque, mais qu’il faut posséder avant 40 ans sous peine d’avoir raté sa vie. Je l’ai payée 23 000 dollars, annonce-t-il fièrement. Et le second de rétorquer : tu t’es fait avoir, la mienne m’a coûté 50 000 dollars ! Pour le dire autrement, selon les Guignols, Apple c’est la pomme, et ses clients, des poires. La stratégie marketing de la marque, c’est de vendre ses produits, non pas au prix de revient, majoré d’une marge plus ou moins raisonnable, mais au prix que ses acheteurs sont prêts à payer pour un objet de luxe, exactement comme un parfum, vendu au prix de l’or et même au-delà, à un public de « happy few ». Un bon exemple, c’est le prix du produit phare de la marque, l’iPhone, dont le dernier avatar coûte 1000 dollars aux États-Unis et 1159 euros en Europe, alors que le change devrait l’amener à 860 euros. Quant au prix de revient, il est top secret, mais les pièces viennent d’Asie du Sud Est et les ouvriers également pour minimiser les coûts. Toute la valeur ajoutée provient essentiellement des coûts de la publicité, mais je vous rassure, la marque se porte bien.

Après tout, rien de nouveau sous le soleil, une entreprise se doit de faire des bénéfices. Là où le bât blesse, c’est que ces grands groupes, les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) ont dépassé la taille critique qui leur permet de traiter d’égal à égal et même de suzerain à vassal avec les états souverains, à qui ils ne concèderont plus le moindre octroi pour commercer sur leurs territoires. À ce rythme-là, il n’y aura bientôt plus ni états ni providence, pour corriger les méfaits du marché. De quoi s’écrier, comme le capitaine Haddock : « mille milliards de mille sabords de tonnerre de Brest ! »

Commentaires  

#1 poucette 07-08-2018 11:12
mais comment s'en sortir.....
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