Le roi dit « nous voulons »

Ce « nous » n’est pas pluriel. Il exprime au contraire la concentration du pouvoir entre les mains du souverain, du monarque absolu qui règne sans partage. C’est pourquoi on l’appelle également « le nous de majesté ». C’est dans cet esprit qu’il convient de regarder la façon dont Donald Trump a annoncé le cessez-le-feu qui va intervenir dans la bande de Gaza après 15 mois interminables de représailles israéliennes à l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, et mettre fin au calvaire des otages et de leurs familles. « Nous avons un accord sur les otages au Moyen-Orient » a donc déclaré Donald Trump sur son réseau « Truth social », en prenant de vitesse le toujours président Joe Biden.

Ce « nous » aurait pu représenter les deux administrations, la démocrate qui a posé les jalons de cette trêve, et la républicaine qui prend désormais le relai, mais il faut reconnaître que c’est probablement Trump en personne qui a obtenu l’accord de Benyamin Netanyahou pour sceller un dispositif déjà négocié depuis plusieurs mois, et qui n’attendait plus que le feu vert du dirigeant israélien. Pour le président élu américain, c’est un succès, qui coïncide peu ou prou avec son investiture prochaine, et lui permet d’envisager également une négociation avec Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky pour mettre fin à la guerre en Ukraine, dont il s’est vanté de venir à bout en quelques jours. Cela signifie-t-il que Donald Trump est un négociateur hors pair ? Probablement pas, mais il est entouré de gens dont c’est le métier, et il est habitué par le monde des affaires dont il vient, à passer des accords en fonction des rapports de force en présence.

On suppose que Trump a tordu le bras de Netanyahou pour obtenir sa signature en le menaçant d’arrêter de lui fournir crédits et armes en masse au moment où Israël est engagé sur tous les fronts en même temps. Les objectifs de guerre sont loin d’être tous atteints, et les observateurs prédisent la renaissance du Hamas plus fort que jamais après tous les dégâts subis par la population civile et la rancune profonde qu’ils engendrent. On peut légitimement craindre que Trump emploie une méthode aussi brutale pour obtenir l’arrêt des combats en Ukraine, en forçant Zelinsky à accepter une partition du pays et à abandonner une partie conséquente de son territoire. Nous, Français, et Européens, ne pouvons qu’assister, impuissants, à ce désastre d’un monde soumis au bon vouloir d’un dirigeant qui ne connait que le rapport de forces, qui est pour le moment et pour longtemps à son avantage, avec la complicité de l’autre superpuissance économique, la Chine, qui avance ses pions continument.