Delphine or not Delphine?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 19 mai 2017 10:49
- Écrit par Claude Séné
Voilà la question. Depuis sa nomination en 2015 à la tête de France Télévisions après une brillante carrière chez France Télécom devenue Orange, je suis tenté de faire cette blague sur Delphine Ernotte. Elle incarne une forme de management par la bureaucratie, en donnant l’impression d’être totalement déconnectée du monde réel. Sa candidature semble avoir été imposée au CSA par un réseau de copinage dénoncé à l’époque par les rédactions de France 2 et France 3, dans une procédure « opaque et antidémocratique ».
À travers ses décisions concernant l’antenne, on comprend très rapidement qu’elle ne regarde pas les émissions diffusées sur les chaînes du groupe, comme le montre l’éviction de Philippe Verdier, présentateur météo, coupable d’avoir utilisé son image pour la promotion de son livre, par ailleurs contestable, sur le dérèglement climatique. Cette fois-ci, c’est David Pujadas qui fait les frais de l’autoritarisme de la présidente, sacrifié sur l’autel du nécessaire renouvellement. Le plus paradoxal de cette décision, c’est qu’elle force les journalistes de la rédaction à soutenir le présentateur vedette de la chaîne, dont ils auraient beaucoup à redire du fait de son autoritarisme et son hégémonie. On se souvient de son coup de gueule quand il croyait le micro coupé il y a quelques mois. Anne-Sophie Lapix, qui va le remplacer, fait l’unanimité par son professionnalisme et son indépendance, mais arrive dans un contexte détestable, que le directeur de l’information, Michel Field, contribue grandement à dégrader en ayant suscité une motion de défiance à son égard.
La décision de Delphine Ernotte est incompréhensible, car elle intervient au moment où le journal de 20 heures de France 2 est au plus haut de ses audiences et fait souvent jeu égal avec le leader, TF1. La justification maladroite de la présidente du groupe entretient l’ambiguïté qu’elle est supposée dissiper. En se défendant de toute soumission au nouveau pouvoir, qui n’a probablement rien demandé, Delphine Ernotte, dont la proximité avec la femme du Président a été soulignée, introduit cette suspicion, d’autant plus crédible que dans le passé la chaîne a semblé céder aux pressions politiques concernant des reportages polémiques. Il y a eu notamment le traitement de l’affaire Bygmalion dans l’émission Envoyé spécial, pour laquelle Élise Lucet a dû batailler bec et ongles pour en maintenir la diffusion. Pour compléter le tableau de cette gestion technocratique d’un élément important de la démocratie, une information publique en principe indépendante à la fois des pouvoirs politiques et des contraintes économiques des groupes privés, remarquons que Delphine Ernotte, qui prône la modération salariale et les économies, n’oublie pas de se servir au passage une rémunération annuelle de 400 000 euros bruts annuels. De quoi apaiser des soucis de conscience éventuels.