Un vrai festival

Commençons par la bonne nouvelle : on a retrouvé la 7e compagnie, que l’on croyait perdue corps et biens. Après un retard à l’allumage de la nomination du Premier ministre, le report d’une journée de l’annonce du gouvernement ne laissait augurer rien de bon, et les journalistes d’information s’apprêtaient à vivre une semaine difficile dans la peau de représentants de meubles contraints de garder l’antenne au-delà du raisonnable, en ayant dépassé depuis longtemps le point Nelson Montfort, celui où il ne reste plus rien à dire. Finalement, il aura suffi d’une petite journée supplémentaire pour découvrir le casting ministériel.

On sait que le président est un cinéphile, amateur des films d’Audiard, et notamment les Tontons flingueurs. Rien d’étonnant donc qu’il ait fait sienne la formule : ils vont voir qui c’est, Manu, et qu’il ait tout fait pour éparpiller les partis aux quatre coins de Paris, façon puzzle, en dynamitant, en dispersant, en ventilant. De ce point de vue, c’est plutôt réussi, et les gros poissons ne manquent pas dans le filet présidentiel, à commencer par le trublion écolo, Nicolas Hulot, dont on se demande bien comment il va se débrouiller pour faire passer ses idées, contradictoires avec celles de beaucoup de ses nouveaux collègues. Je ne serais pas surpris qu’il soit le premier à appliquer la maxime de Chevènement : « un ministre, ça démissionne ou ça ferme sa gueule », et comme il n’est pas du genre à se taire… Sinon, on retrouve toujours le même paradoxe : on fait venir des personnalités dites de la « société civile » à raison de leurs compétences techniques dans un domaine particulier, comme l’escrimeuse Laura Flessel au ministère des Sports, mais on fait passer Jean-Yves Le Drian de la Défense où il maîtrisait les dossiers aux Affaires étrangères, qu’il découvre, pour nommer ministre des Armées Sylvie Goulard, spécialiste des questions européennes. Cherchez l’erreur.

D’ailleurs, l’Europe est partout dans ce gouvernement, un peu comme les commerces bretons, qui font épicerie-buvette, boulangerie-buvette, boucherie-buvette, tabac-buvette, etc. Jean-Yves Le Drian est ministre de l’Europe et des Affaires étrangères et Marielle de Sarnez est ministre chargée des Affaires européennes. On retiendra que sur le papier, la composition du gouvernement affiche un savant dosage entre hommes et femmes, anciens et nouveaux, politiques de métier et néophytes, un peu comme un palmarès du festival qui s’ouvre au même moment à Cannes, dans lequel on tâche de faire plaisir à tout le monde. La coexistence entre ces personnalités réunies par un opportunisme de circonstance risque de donner lieu très rapidement à une cacophonie sans précédent, quand chacun cherchera à tirer son épingle du jeu. Bonne séance, et bonne chance aux Français !