Passe-passe électoral
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 20 mai 2017 10:24
- Écrit par Claude Séné
La date limite de dépôt des candidatures pour les élections législatives étant dépassée, on connait à présent l’ensemble des aspirants aux 577 postes de députés, parmi lesquels figurent 6 ministres du gouvernement qui vient d’être nommé par le Président, théoriquement sur proposition du Premier ministre. Et ce sont ces candidatures qui me paraissent poser un sérieux problème. En effet, si le ministre concerné est élu, il ne pourra pas siéger en tant que député, en vertu de la nécessaire séparation des pouvoirs et devra céder la place à son suppléant, ou renoncer à son portefeuille ministériel.
Première anomalie, donc. On demande à des électeurs de voter pour quelqu’un qui n’occupera pas la fonction s’il est élu. À moins qu’il ne soit plus ministre, par la grâce d’un remaniement ou sur une décision de démissionner à la suite d’un différend sur la politique demandée au gouvernement par exemple. Auquel cas, c’est l’électeur qui peut se sentir floué, car il a voté en réalité pour le suppléant, sachant pertinemment que c’est lui (ou elle) qui siègera au Palais Bourbon. De la même façon, le suppléant peut se sentir rabaissé par une fonction de bouche-trou que l’on prend ou que l’on jette selon les besoins, alors qu’il est censé, comme le titulaire, représenter les Français de sa circonscription et faire le lien entre ses administrés et la politique nationale.
Mais là où la situation devient carrément ubuesque, ou kafkaïenne, au choix, c’est quand on a institué la règle qui oblige un ministre battu aux législatives à démissionner. C’est la double peine, en quelque sorte, puisque cette personne se retrouve sans aucun mandat, et dans le cas particulier qui nous occupe, il peut même ne plus appartenir à aucune formation politique, comme un Bruno Le Maire qui a brûlé tous ses vaisseaux en prenant le train En Marche. Non que je me fasse du souci pour les opportunistes qui auraient misé sur un mauvais cheval, mais je pense que la clarté est toujours préférable à l’ambiguïté. Dans ces conditions, on se demande pourquoi les ministres prennent le risque de se présenter et de monter dans une galère où ils ont beaucoup à perdre et peu à gagner. La justification de cette pratique serait d’acquérir une légitimité par la vertu du suffrage universel. Fort bien, mais dans ce cas, il serait urgent de modifier notre constitution qui ne prévoit pas d’obligation de se faire élire pour exercer ces fonctions. Pourquoi exigerait-on de certains ce que l’on n’impose pas aux autres ? Emmanuel Macron lui-même n’aurait pas pu être ministre et se présenter ultérieurement à la présidence si cette règle avait prévalu, n’ayant jamais reçu préalablement l’onction d’une élection, si petite soit-elle.
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