Liberté conditionnelle
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 6 avril 2017 10:29
- Écrit par Claude Séné
Attention ! il est interdit de dire ce que l’on pense des affaires de François Fillon, sous peine de poursuites. C’est l’un des enseignements du débat présidentiel à onze qui s’est tenu mardi soir jusqu’à pas d’heure. François Fillon a tenté de couvrir la voix de Philippe Poutou qui rappelait sa mise en examen pour des soupçons d’emplois fictifs et lui a promis des poursuites judiciaires. Nous verrons bien s’il donne suite à ses menaces, mais une chose est claire : il est permis de dire que Fillon « aurait » employé fictivement sa femme et ses enfants, il est diffamatoire de dire qu’il l’a fait. Nuances !
C’est pourquoi je privilégierai ici (futur de l’indicatif) l’emploi du conditionnel, car je n’ai pas les moyens de me payer un procès contre cet homme réputé honnête jusqu’à ce que la justice ait éventuellement prouvé le contraire. Même si ma conviction profonde est que François Fillon a considéré les émoluments de sa famille comme un complément de rémunération, je me garderai bien de l’affirmer. Non seulement critiquer François Fillon en paroles peut vous amener devant les tribunaux, mais le simple fait de taper sur un ustensile de cuisine en sa présence est désormais passible d’une amende. Une quinzaine de personnes qui avaient accueilli le candidat au son des casseroles à Calais ont eu la désagréable surprise de recevoir chez eux une amende de 68 euros, au motif d’une « émission de bruit portant atteinte à la tranquillité du voisinage ou la santé de l’homme ». « L’infraction » supposée a été constatée par la police nationale, la brigade anti criminalité et la police municipale. Il n’est pas diffamatoire de rappeler que Madame la Maire de Calais, qui a récemment refusé la distribution de nourriture aux migrants par des ONG humanitaires, fait partie des soutiens de François Fillon.
La présomption d’innocence jouant dans les deux sens, il n’est pas impossible que les manifestants qui contestent la réalité du dommage subi par la tranquillité publique obtiennent gain de cause et l’annulation du procès-verbal au nom de la liberté d’expression. Voilà qui donne à penser sur les conséquences que pourrait avoir l’élection de ce démocrate sincère et son attitude au cas où il accèderait à la magistrature suprême. Déjà que l’on pouvait supposer qu’une de ses motivations pour être élu serait (conditionnel) d’échapper durablement à la justice grâce à son immunité présidentielle, on peut légitimement s’interroger sur sa volonté de maintenir les libertés fondamentales, telles que la liberté d’opinion, la liberté d’expression ou la liberté de réunion. Tout ça au conditionnel, bien sûr, hein ?
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