L’honneur perdu de François Fillon

À l’instar de Katarina Blum, dans un roman porté à l’écran, François Fillon doit se battre pour sauver son honneur mis à mal par les soupçons de favoritisme et même d’emploi fictif de son épouse. Depuis les révélations du Canard enchaîné, les choses se sont corsées puisque le parquet financier a ouvert une enquête pour vérifier la réalité de l’emploi de Pénélope Fillon en tant qu’attachée parlementaire. Après avoir traité cette histoire par le mépris et balayé les accusations sous le couvert de la misogynie supposée des journalistes, le candidat Fillon a dû se résoudre à tenter d’éteindre le début d’incendie en s’exprimant à la télévision.

Ses explications et justifications suffiront-elles à satisfaire les juges ? Ce n’est pas impossible. Il compte suffisamment d’amis pour témoigner de sa moralité et attester que Mme Fillon l’a effectivement aidé dans sa tâche, pour créer un doute raisonnable qui pourrait empêcher une mise en examen dont il reconnait qu’elle l’empêcherait d’être candidat. Difficile de dire le contraire quand on a fustigé ses concurrents, Juppé et Sarkozy, qui n’en avait pas tiré la conclusion. Le personnage de Monsieur Propre dont il a endossé le costume pendant la primaire se révèle soudain assez gênant aux entournures, mais il est un peu tard pour en changer. Cependant, le danger le plus imminent c’est la crédibilité de François Fillon. Que vont croire les électeurs, au-delà du petit cercle de fidèles inconditionnels ? S’il y a bien une aspiration qui se dégage des primaires de tous les camps, y compris chez ceux qui n’en ont pas organisé, c’est bien une aspiration au changement, à la fois dans le personnel politique et dans le projet pour la France. La carte de l’honnêteté pourrait se révéler décisive dans la lutte finale. Pour une fois, le Front national ne cherchera pas à enfoncer le clou, empêtré qu’il est dans le scandale des attachés parlementaires européens travaillant principalement pour leur parti national.

Ce qui risque de choquer les Français, c’est aussi le montant des salaires perçus par Mme Fillon, très largement supérieurs à la moyenne des attachés parlementaires. On s’aperçoit à cette occasion que certains députés considèrent cette enveloppe destinée à rémunérer leurs collaborateurs comme un complément d’un salaire qu’ils jugent insuffisant, quand le revenu médian des salariés avoisine les 1 500 euros. On hésite entre deux hypothèses : la bêtise de croire qu’ils passeront toujours entre les gouttes, ou l’arrogance de ceux qui pensent que les lois sont faites pour les autres. Et le pire c’est que les deux peuvent être vraies en même temps.