Le triomphe de la bêtise

L’attentat de Berlin a réveillé des démons qui n’étaient pas vraiment assoupis. En Allemagne d’abord, évidemment. Les mouvements populistes n’ont pas traîné à faire de cette tuerie de masse un argument de la campagne de dénigrement de la Chancelière Angela Merkel, au nom du principe que la preuve de l’inefficacité de sa politique réside dans le simple fait que l’attentat ait eu lieu. Un raisonnement simpliste qui nous rappelle l’attitude du Front national en France ainsi que de certains élus Les républicains.

Une récupération qui nous a valu quelques « bruits de Ciotti ». Puisque le terroriste aurait gagné l’Italie en passant par la France, Éric Ciotti en déduit que l’Europe est ouverte à tous les vents et réclame des contrôles renforcés aux frontières. Se rend-il compte que ce n’est pas un état d’urgence qu’il serait nécessaire de prolonger, mais un état de siège et que l’armée tout entière n’y suffirait pas à moins de confiner la population chez elle, d’instaurer un couvre-feu et de délivrer des ausweis comme au bon vieux temps de l’occupation ? La tentation isolationniste de repli sur soi ne règle aucun problème, et les auteurs d’attentats sont souvent des nationaux. La posture de Mr Ciotti est confortable lorsqu’on se trouve dans l’opposition, mais beaucoup plus difficile lorsqu’on est aux affaires. Il se montre d’ailleurs beaucoup moins intransigeant à l’égard de son ami Christian Estrosi lorsqu’il s’agit de l’attentat de Nice et que des failles dans le dispositif de sécurité dont il avait la charge ont été découvertes.

La bêtise est aussi à l’honneur avec la découverte du portefeuille du terroriste de Berlin, ainsi que de ses empreintes digitales et son ADN dans la cabine du camion qui a foncé sur la foule au marché de Noël. Comme une espèce de signature, au cas où certains pourraient douter de son implication. Déjà, la carte d’identité « oubliée » par Saïd Kouachi dans la voiture qui a servi à commettre les meurtres de Charlie Hebdo avait permis l’éclosion d’une théorie du complot totalement délirante, et néanmoins gobée dur comme fer par des esprits fragiles. Là aussi, le raisonnement est d’une simplicité imparable : un terroriste islamiste ne peut pas être stupide au point de laisser des preuves de sa culpabilité. Par conséquent, c’est une mise en scène des services secrets ou de représentants d’une vaste conspiration mondiale pour désinformer les citoyens. N’en déplaise aux complotistes, cette attitude est cependant constante et régulière puisque le tueur de Nice, Mohamed Lahouaiej Bouhlel, a lui aussi laissé des documents à son nom ainsi que son téléphone portable, qui a été une mine d’information pour les enquêteurs. Preuve que s’il n’est pas indispensable d’être stupide pour commettre un attentat, cela peut aider.