Wagram

« Ce ne fut pas Waterloo, non, mais ce ne fut pas Arcole, ce fut l’heure où l’on regrette d’avoir manqué l’école ». Vous vous souvenez des paroles que chantait Brel dans son célèbre « au suivant ». Hollande a choisi Wagram pour tenter la reconquête d’une opinion publique complètement hostile à sa cause, à l’exception du parterre de sympathisants réuni pour l’occasion et des vieux grognards de sa garde impériale. Son illustre prédécesseur avait affronté victorieusement l’armée autrichienne et mis fin à la 5e coalition. Napoléon avait certes gagné cette bataille, mais au prix de lourdes pertes préfigurant la défaite finale.

Hollande n’est pas Napoléon, bien que ses adversaires de tous bords se soient coalisés contre lui et qu’il concentre toutes les attaques. Le discours de Wagram montre qu’il a l’intention de s’accrocher contre toute espérance et de livrer bataille en escomptant un improbable retournement de situation. Paradoxalement, ce discours est sans doute le meilleur qu’il ait délivré depuis la campagne électorale de 2012. Il n’a qu’un seul défaut. C’est de ne pas avoir été mis en œuvre tout le temps où le candidat Hollande a eu les coudées franches pour le mener à bien. On applaudit des deux mains quand il dit que la France est plus qu’une identité, mais une idée, une ambition, comme on avait pris pour argent comptant que son ennemi était la finance. François Hollande a peut-être puisé son inspiration en écoutant le roi de Norvège, Harald V, le 1er septembre, qui prononçait un plaidoyer vigoureux pour la tolérance et l’amour, quelles que soient les préférences sexuelles de chacun, leurs origines et leurs croyances. Un discours de roi qui a traversé les frontières, grâce à Facebook, et qui a été traduit dans de nombreuses langues.

Je ne change pas vraiment de sujet en regrettant que le seul rescapé du commando terroriste des attentats de Paris, Salah Abdeslam, ait fait valoir son droit au silence pour refuser de répondre au juge d’instruction qui l’a interrogé pendant une heure et demie. Voilà quelqu’un dont nous souhaiterions qu’il s’explique sur ses agissements et ses motivations, qui se mure dans un silence frustrant pour les victimes, alors que nous subissons le déluge médiatique de la logorrhée des politiques, dont les déclarations sont généralement d’une hauteur bien moindre que celles du roi de Norvège. Non seulement le droit au silence des personnes incriminées dans des affaires doit être maintenu et garanti, mais je souhaiterais qu’il soit plus largement utilisé dans notre vie publique, au profit de mesures concrètes allant dans le sens d’une meilleure justice sociale.