Expliquer l’impensable

De tous les crimes, l’infanticide est peut-être le plus douloureux, le plus difficile à expliquer, le moins compréhensible et celui qui soulève le plus d’émotion. Fabienne Kabou comparaissait devant la cour d’assises du Nord pour avoir abandonné sa fille de 15 mois à marée montante sur la plage de Berck, provoquant inéluctablement sa mort par noyade. Le verdict de 20 ans de réclusion criminelle est allé au-delà des réquisitions de l’avocat général qui n’avait réclamé « que » 18 ans tout en stigmatisant l’accusée de mots très durs et en la décrivant comme un monstre froid.

Car l’enjeu de ce procès, comme celui de tout être humain, est bien de comprendre les motivations qui ont conduit cette mère à supprimer la vie de son enfant. On peut admettre, sans les excuser, des mobiles fondés sur des réactions à une situation qui semble inextricable. On connait des parents exaspérés par des pleurs ininterrompus qui finissent par défenestrer leur bébé. On a récemment jugé des femmes ayant mené à terme des grossesses « invisibles » qui tuaient leur nouveau-né. Dans le cas de Fabienne Kabou, rien de tout ça. La seule explication qu’elle avance est difficilement recevable dans notre société occidentale, c’est celle de la sorcellerie. À nos yeux, une personne qui se réfère à ce schéma ne peut être que la victime d’une maladie mentale. De plus, ce que nous ne comprenons pas ne peut être expliqué que par une aliénation, ce que la justice appelle une altération du discernement. Juridiquement, ce point est central, car dans un cas, il faut punir, dans l’autre, il faut soigner.

En langage courant, l’avocate de l’accusée plaide la folie, que ne revendique absolument pas sa cliente. Mais l’expertise psychiatrique est, comme souvent, plus floue. Les jurés retiendront finalement une altération passagère du discernement, et non son abolition, ce qui justifie de la considérer comme responsable de ses actes et de la destiner à la prison plutôt qu’à l’hôpital. Paradoxalement, le tribunal adjoint à sa peine une injonction de soins, dont on sait par avance qu’elle restera un vœu pieux. La question posée à la cour pourrait se résumer ainsi : Fabienne Kabou est-elle, comme l’a affirmé un des experts-psychiatres, victime d’une paranoïa délirante, ou bien une menteuse invétérée, une manipulatrice qui a planifié soigneusement son crime ? Comme souvent, si la Cour a tranché, le doute subsiste. « Coupable, forcément coupable » d’un crime qu’elle n’a jamais nié, mais malade, forcément malade, aussi, malgré ou à cause de son intelligence et, apparemment, impardonnable.

Commentaires  

#1 jacotte 86 25-06-2016 12:03
je n'aurais pas voulu être jurée, rien que d'imaginer l'agonie de ce bébé les larmes me montent aux yeux et je n'aurais pas eu envie de " pardonner"!
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