Instruction civique
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 27 mai 2016 10:45
- Écrit par Claude Séné
Comme vous le savez, il est recommandé de partir de situations concrètes de la vie pour inculquer à nos chères têtes blondes les rudiments de ce que l’on appelait autrefois la morale. La pénurie naissante de carburants nous fournit un exemple idéal en la matière. Dès que les Français ont été informés du risque de manquer d’essence ou de gasoil, ils se sont massivement rués sur les stations-service pour en vider les cuves dans leurs réservoirs ou dans des jerrycans pour essayer de se constituer un stock. On aurait dit que tout le monde s’était trouvé brusquement à sec de tondeuse.
Certains pompistes relatent la folie de précaution de clients qui reviennent faire le plein pour quelques euros. J’ai aussi entendu le calcul d’un automobiliste limité à 40 euros de carburant qui s’estimait satisfait parce qu’il avait déjà « un plein à moitié vide » avant cette opération et donc il aurait un plein presque plein après. Certains, exaspérés par l’attente et inquiets sur le risque de manquer, en sont arrivés à de fâcheuses extrémités en s’en prenant au pompiste qui privilégiait un véhicule prioritaire. Si la situation devait durer, il est fort à parier que de nombreux automobilistes tenteraient de se faire proclamer prioritaires pour de plus ou moins bonnes raisons.
La France est connue pour être le pays du système D, pour débrouille, ce qui est plutôt sympathique. Elle devient de plus en plus celui du chacun pour-soi, beaucoup moins glorieux. Il parait que le terme le plus recherché dans Google ces derniers temps serait le verbe siphonner et ses dérivés parfois explicites comme siphonner une voiture. Le dernier pic de cette recherche remonte à octobre 2010, quand les 12 raffineries françaises étaient bloquées pour protester contre la réforme des retraites. Avant de jeter la pierre aux consommateurs de base, intéressons-nous au comportement des distributeurs. Beaucoup d’automobilistes ont constaté récemment une hausse appréciable du prix des carburants, dont on peut légitimement suspecter la raison, la rareté faisant le prix selon l’adage. Il y a même une enseigne de la grande distribution, dont le nom commence par le et se finit par clerc, qui a décidé de réserver la vente de carburant à ses clients munis d’un ticket de caisse d’au minimum 60 euros ! toujours dans le registre des profiteurs, il serait possible d’acheter de l’essence sur le Bon coin, j’imagine, au prix fort, même s’il est sans doute préférable d’ignorer la provenance de cet approvisionnement. On voit par-là combien une situation de crise peut être révélatrice de la nature profonde de l’être humain. De quoi nous rendre complètement siphonnés.