Rien ne va plus
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 18 avril 2016 10:36
- Écrit par Claude Séné
Les jeux semblent faits pour la présidente brésilienne, Dilma Rousseff, dont 367 députés sur 513 ont demandé la destitution. La procédure doit se poursuivre avec un vote au Sénat, mais les décomptes donnent une nette majorité à l’opposition et le procès de la présidente puis sa condamnation semble à présent inéluctable. Officiellement, le seul motif de cette destitution concerne la présentation des comptes de l’état pour maquiller les résultats et les rendre, disons, plus flatteurs. Une pratique indéniablement condamnable, mais dont Dilma Rousseff n’a fait que perpétuer l’usage par ses prédécesseurs, de droite comme de gauche.
Le véritable reproche des Brésiliens à l’égard du pouvoir, c’est la corruption, qui semble généralisée et dont l’affaire Petrobras a montré les ramifications. Dilma Rousseff, qui n’a profité d’aucun enrichissement personnel, paie pour tout le monde. Y compris pour son ancien allié centriste, qui l’a lâchée, et qui serait le grand bénéficiaire de sa destitution puisqu’il assurerait l’intérim jusqu’aux prochaines élections de 2018. La population ne lui pardonne pas non plus les dépenses liées à la coupe du monde de football et aux prochains Jeux olympiques quand le pays aurait besoin d’infrastructures modernes et qu’une partie des Brésiliens vit dans des conditions très difficiles, comme dans les favelas. Cela, je peux l’entendre, et sans doute le Parti des Travailleurs de Lula et Dilma a-t-il commis des erreurs, sans compter l’usure du pouvoir qu’il exerce depuis 13 ans à présent.
Ce qui me dérange dans ce processus, c’est qu’il semble téléguidé par le patronat brésilien, qui parie sur les avantages que lui apporterait une alternance politique. Les pressions sur les députés ont été massives, leurs téléphones personnels ont été publiés pour inciter les citoyens à les persuader de voter contre la présidente. Une partie des manifestants réclame la fin des aides sociales en faveur des plus pauvres au motif que ce serait leur argent qui serait ainsi détourné : un bon vieux réflexe de classe en somme, qui joue sur l’égoïsme et le chacun pour soi. Un discours, que l’on entend parfois en France aussi, sur l’assistanat, prétexte à refuser toute forme de justice sociale. Je ne peux pas m’empêcher de faire le lien avec le Chili des années 70, quand l’unité populaire de Salvador Allende a été renversée par un coup d’État militaire à l’instigation de la CIA. La contestation avait commencé là aussi par des mouvements de camionneurs, provoquant la paralysie du pays. Les derniers soutiens du Parti des Travailleurs n’ont peut-être pas tort en parlant de coup d’État institutionnel.